Elle voit le brancard sur lequel les pompiers allonge une femme aux cheveux noirs. Elle est vêtue d’une chemise de nuit à fleurs. L’eau dégouline sur son visage, se mêle à ses larmes. Elle voulait se noyer mais le canal est presqu’à sec cette année.
Elle voit le feu qui fait fondre le plastique de la poubelle accrochée au réverbère, à côté de l’arrêt de bus.
Elle voit les traces de pas laissés dans la neige sur la butte devant l’école : deux grandes, deux petites. S’y ajoutent les lignes parallèles tracées par les patins métalliques d’une luge en bois.
Elle voit le chien s’enfuir poursuivi par deux cygnes qui sifflent et l’attaquent bec en avant, ailes déployées qui battent l’air.
Elle voit un groupe de jeunes qui marchent 100m devant elle. Ils balancent en riant de grands coups de pieds dans les lampadaires de l’allée piétonne qui mène à la gare. Les lampadaires s’éteignent un à un. Elle ne dit rien, les suit dans le noir.
Elle voit un groupe de lycéens en canoës qui slaloment sur le lac artificiel où flottent des chariots de supermarché, des sacs, des bouteilles en plastique, des vélos rouillés…
Elle voit une jeune femme sur une vieille MZ. Dans le virage la moto penche dangereusement, la jeune femme tente de la redresser mais elle n’y arrive pas, la moto tombe au ralentis.
Elle voit de minuscules boules duveteuses qui s’envolent des bouleaux. Les graines de pollen flottent dans l’air. On dirait qu’il neige.