RECTO
Midi ville, midi vide. Les murs ocre, jaune, gris ou blanc chauffent, surchauffent, toutes les fenêtres sont fermées, les stores baissés. Impression de déambuler dans une ville aveugle d’où les habitants, lunettes noires sur le nez, fuient le feu du zénith.
Fin de travaux souterrains. La placette toute neuve au bitume clair pavoise. Ses grands platanes sont toujours là avec de toutes nouvelles plates-bandes géométriques, ici un rectangle, là un quadrilatère, les angles fermés, ouverts accueillent une terre marron clair parsemée de rares plantes, parfois quelques marguerites jaunes en bouquet, de jeunes arbres empaquetés essaient de grandir.
Tout de verre et de béton, il brille cet immeuble imposant de bureaux vides. Il diffuse sa chaleur éblouissante à tout le carrefour où voitures, trottinettes, vélos et piétons se croisent pressés d’échapper au monstre qui fait le beau au-dessus de la place.
VERSO
Sur le marché, s’étire une longue queue, une vieille femme le dos courbé range ses fruits et légumes. Temps d’arrêt. La vendeuse lit la note et d’une voix forte lui annonce le total : « 7,77€ ». Son visage rayonne, elle annonce « c’est aujourd’hui votre jour de chance, il faut jouer au loto ! » La vieille dame marmonne d’une voix triste « je n’ai jamais eu de chance ». « Mais aujourd’hui oui » renchérit la vendeuse. Dans la queue, la nouvelle circule et chacun.e d’y aller de son commentaire « c’est rare trois 7 ensemble » ; « trois fois plus de chance ». La vieille dame ne semble pas convaincue mais à force d’entendre qu’elle a de la chance, elle ébauche un pauvre sourire, paye et s’en va. Je la vois sur la place, tirant son chariot, hésiter puis se diriger vers le Tabac qui fait aussi Loto.