Il a existé une image des lieux, une aquarelle naïve datée du XVIIIe siècle disparue comme le reste des archives dans l’incendie de 1906, le hameau se lovait devant la ligne de crête, la grange contre laquelle la maison un jour sera appuyée venait d’être construite.
Le petit avion a réalisé des photos aériennes avec l’autorisation du maire, les photos ont été proposées à un prix avantageux. L’image est glissée dans le dossier Travaux et on la sort quand il faut vérifier une limite. Le rectangle de la maison contre le large carré d’une grange ancienne est bien reconnaissable, la route la borde avant de tourner à droite pour disparaître dans la forêt dont la lisière est une ligne grise.
La façade semble dormir, le linteau gravé de la date de la construction, bientôt cent ans, surplombe la porte de chêne, à l’entrée de la cour une camionnette avec les mots Déménagement-Transport. Un cadre bien construit sur un cliché incrusté des lettres Kodak, une épreuve test.
Bien qu’elle semble facile à comprendre la maison n’est pas si simple à appréhender, côté route la distribution des fenêtres ne correspond pas exactement aux pièces, une est dans un coin, une autre a été posée sans souci de symétrie, sur la façade arrière l’organisation des fenêtres rattrapent la confusion de la façade avant, leur taille et leur nombre indiquent une maison bien éclairée et largement ouverte sur les montagnes et la découpe d’un pic en forme d’aigle. Sur les perspectives, les deux façades sont tracées côte à côte.
Le plan de la maison telle qu’elle a été construite dans les années 1800 est perdu s’il a existé, rien n’explique que la cuisine ne soit pas tournée vers le nord comme le voulait la coutume, pièce chauffée par un feu continue qui isolait la maison du froid. La cuisine d’aujourd’hui est toute inondée de soleil aux matins d’été comme le montre cette carte postale vendue au village, on y voit ce côté de la maison coupant l’image d’une vue sur le sommet de l’Aigle illuminé aux premières heures du jour.