Nos corps s’évitaient. Tout au long de la nuit, nous nous étions interrogés sur ce nous qui nous liait et avions à peine dormi. Tu me reprochais de me poser continuellement des questions inutiles sur notre relation et je t’en voulais de ne même pas les penser. Tu me répondais que tu n’avais aucune raison de remettre en question ce que nous vivions, car pour toi, c’était simple, tu m’aimais et c’était tout. Et je rétorquais que moi aussi mais que j’avais besoin de ré-interroger continuellement ce qu’était ce nous. Je craignais tellement notre endormissement, notre lassitude, nos habitudes que je voulais creuser encore et toujours la profondeur de nos vies jusqu’à toucher la vérité, une vérité, nue et sans compromis. Mais cette conversation nocturne avait glissé vers un épuisement agacé et nous ne dormions plus. Parfois, je regardais par la fenêtre, le feu rouge clignoter dans le vide et tu faisais des allées et venues entre la cuisine et notre lit. Tu voulais te reposer mais tu entendais mes larmes couler et tu t’énervais. Je savais qu’il me fallait éteindre mes craintes et m’endormir dans tes bras mais j’avais ce besoin irrésistible de voir jusqu’où tout cela allait nous mener. Et cela nous mena au petit matin, à nos corps exténués, sur des chaises inertes, où nos yeux ne se voyaient plus et où nos mots s’étaient tus. Le temps s’écoula lentement puis in fine, nous décidâmes de nous mettre en mouvement, nous, moi, toi, mon ombre et ta silhouette. Est-ce toi qui me poussa en avant ou moi qui t’incita à, ou avions-nous pour commun accord de nous ébranler ensemble ? Nous ne le sûmes pas vraiment mais nous nous dirigeâmes vers la forêt où les arbres semblèrent nous accueillir. Nous ne marchâmes pas côte à côte. Tu me devanças et je te dépassai. Tu trébuchas sur une racine et je m’empêchai de te rattraper. Je te regardai et tu détournas le visage. Nous avançâmes ensemble mais ne fûmes pas liés. Nous nous arrêtâmes au beau milieu d’une clairière où un banc solitaire nous attendait. Sans se concerter, nous nous assîmes. Tout, autour de nous, était vert. Les branches des arbres, les feuilles dansantes dans la brise légère. Le soleil caressa nos corps endoloris, apaisa nos pensées, chassa nos nuages et doucement, nous nous endormîmes, sans bruit.
« ce besoin irrésistible de voir jusqu’où tout cela allait nous mener », de chercher « une vérité, nue et sans compromis » en risquant l’agacement et l’ennui, puis l’échappée dans la forêt où se retrouver… le texte frôle des zones sensibles avec une belle fluidité. Merci Clarence
comme une réconciliation très belle…