# Boost #012 – La Musette.

A Guesnain, dans le Nord, Soudaines images de neige verglacée et de banquise où erre en rêvant l’ours blanc. Mais nul paysage de la sorte en ce lieu où aucun ne veut se rendre, Pmu-bar-tabac-tiercé, terrain de foot, petites rues sombres, longues et étroites, vieilles Renault cabossées, trampolines abandonnés, déchets, musique tonitruante et les cris d’une mère hurlant à sa fille par la fenêtre entrouverte, Au creux de cette cité minière, Lointaines entrailles dévoreuses de chairs Souvenirs de vies charbonneuses englouties.Où étincelle un point de lumière dans la noirceur de la nuit.

Petite constellation de guirlandes et de bruits, Chaleur dans la fraîcheur de l’hiver glacé, Porte grande ouverte dans un monde fermé. C’est un café, un bal, une Musette. Un lieu dont le nom est, sur les chemins noirs, murmuré.

Invitation silencieuse pour quelque passant désoeuvré, qui sans se soucier d’une quelconque autorisation, vient y écraser sa face contre la devanture éclairée, afin d’y déceler la vie qui s’y passe. Et à peine, aura t’ il osé y glisser un pied que tout son corps sera happé par des visages inconnus mais déjà curieux, des bonjours discrets mais déjà existants, et sans même y prêter attention, lentement, il restera, debout ou accolé à quelque épaule voisine, ne songeant plus aux heures où il lui faudrait rentrer.

C’est un point d’ancrage pour l’aveugle du soir dont la parole brille sans avoir besoin d’y voir, une terre d’accueil pour la femme esseulée, triste comme la pluie et parfois, à pleurer, un feu de joie pour ce couple retraité militant syndiqué qui s’adonne en liesse, aux récits nostalgiques de ces batailles passées, un coin rond pour les solitaires en quête de partager, c’est un café, un bal, une Musette dont les murs, le sol et le plancher sont léchés par le moindre rayon de lumière et qui abritent depuis cents quarante belles années, l’histoire de ces êtres qui s’y posent, non pas pour s’y perdre mais bien au contraire, s’y trouver.

L’on s’y accoude, l’on s’y réchauffe, Sur de hauts tabourets contre le zinc du comptoir, Tels des naufragés ayant bien trop navigué, Cherchant dans l’alcool, un peu de quoi se refaire tanguer. L’on s’y assoit, un midi et deux soirs, Aux petites tables en bois ou en fornica,Dont la nappe en plastique a définitivement disparu, Afin d’y déguster les mets raffinés et chaleureux d’une cuisinière aux tatouages et au cœur généreux.

Un lieu, à l’intersection de trois rues, Cadeau, rénové, brillant de tous ces feux, Dans ce carrefour du monde, sur cette place que l’on ne devine pas, intitulée liberté. C’est un café, un bal, une musette, Un petit coin de paradis, un bout du monde de briques rouges et d’amour à volonté.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

3 commentaires à propos de “# Boost #012 – La Musette.”

  1. « Petite constellation de guirlandes et de bruits, Chaleur dans la fraîcheur de l’hiver glacé, Porte grande ouverte dans un monde fermé. C’est un café, un bal, une Musette. Un lieu dont le nom est, sur les chemins noirs, murmuré. » on y est . On voit tout . Merci

  2. Clarence, envie de t’y retrouver là- bas dans ce café, ce bal, cette Musette. Et aussi faire un tour chez Gloria à la voix douce,… à vite