Venetia. Veni etiam : reviens encore.
La sortie de la gare est à chaque fois comme une première fois.
On s’extrait de la foule des voyageurs et on reste planté sur le parvis
au seuil d’un songe avant d’être au seuil d’une ville.
Derrière soi des trains repartent et je reste là.
éberluée de me tenir à nouveau sur ces dalles blanches
à la recherche d’un nord
le regard divague sur la verrière limpide
où des arabesques se forment et se déforment
les yeux contemplent les insaisissables pierres précieuses
bouches muettes d’où l’on espère un oracle singulier,
une voix des profondeurs
les pensées fourmillent puis s’éparpillent et s’oublient
tout est ciel et prisme d’eau
c’est à peine si la ville s’offre
les premiers regards s’attardent sur l’entour
n’entendant rien d’autre qu’un hymne jailli des eaux
puis l’ostinato des cloches
et le murmure italique je suis à Venise
on savoure encore cette joie de l’arrivée
dans le miroir déformant de ce réel tant attendu
le regard s’accroche aux pieux plantés dans la lagune
ces crayons qui échancrent l’eau du grand canal
où posent traditionnellement les mouettes puis
le roulement des valises sur le sol
le brouhaha des touristes qui traversent l’esplanade
l’arrivée d’un vaporetto sur le quai
tout remonte en surface et s’anime
c’est aussi cela Venise
alors rapidement, faire un pas de côté se faufiler dans une fissure, un interstice même minime,
se souvenir du connu, du déjà expérimenté, de ruelles désertes, retrouver les plaies de crépi qui suintent sur les murs
ces écaillures ces craquelures de tableaux vivants traits lignes arabesques
les doigts de délicatesse sur les failles des murs
et la dissipation de soi dans les voiles de la ville
« puis l’ostinato des cloches
et le murmure italique je suis à Venise » merci pour retour amont et cette dernière et si belle phrase
« et la dissipation de soi dans les voiles de la ville »