# Boost # 13 | dans le noir

Tout dépend du jour. Au début, tout au début le lit, Tu ne le connais pas. Allongé là ce jour-là ce premier jour-là. Les tirs les claquements les cris les portes les voitures les morts le sang les cris les voitures les cris et toi vivant. Ce premier jour-là, Tu vis toi oui où est-ce ? Pas si loin. À une heure peut-être du carnage. Ce n’est pas loin. Ce n’est pas si loin on te retrouvera. Vite. On te cherchera et on voudra te retrouver. C’est certain. Ce premier jour-là c’est certain. Allongé là le bras sur le visage replié les mains jointes parfois et les épaules et les rides plissées tout ce monde mort sous tes yeux. Où est-ce ? Non ce n’est pas loin on te retrouvera vite on te délivrera. Cette voix assurée. Rassurante. Vite. Au début oui. C’est certain on te retrouvera vite.
Qui est cette voix ? Qui parle ? La tienne celle de quelqu’un d’autre quelqu’un dit quelque chose et toi tu l’entends c’est là c’est toi c’est ta propre voix qui parle et qui sans un seul mot dit que plus jamais plus jamais

Avoue quand même que tu ne t’y attendais pas quand même pas ce silence ce noir complet profond cru plein et entier ce noir-là avoue quand même et toutes les portes se sont fermées

Ce jour-là d’il y a maintenant longtemps. C’était ce jour-là d’il y a maintenant trop longtemps. Des calmants. Des médicaments. Des légumes des fruits des pâtes. Des médicaments et tes lunettes. Ces vêtements idiots. Se lever se laver se vêtir. Le dos sur le plaid allongé là. Toi. Des jours entiers loin de tout. Allongé là. Luca. Noretta. Là. À attendre sans savoir puis sans vouloir savoir le sachant trop clairement. Le bras replié sur le visage. Toi. Allongé là trahi. Les rides et les épaules. Les jambes les pieds. Là sur le lit. Allongé là. Vivant. Allongé là vivant dans le noir. Le plus profond des noirs. Ça ne peut plus durer. Des jours entiers à écrire, Tu te prépares à entrer dans le royaume des cieux. Plus rien plus d’air plus rien ne sourd plus rien ne transpire. Seulement le silence. Noir profond entier. Cette lumière sous les paupières et les yeux fermés et le corps entier mourant. Un sacrifice. Une offrande. Des nuits à dormir puis s’éveiller tout à coup les massacres les bruits des armes la guerre la mort le sang le carnage. Non pas toi. Là sur ce mauvais lit et cette odeur et ce noir et cet air vague et lointain et ces mauvaises pensées, Vivant encore. Tu dors tu dormais tu dors. Non pas toi. Le dos le plaid le mur et la porte. Plus tard encore plus tard et bien plus tard. Une nuit puis une autre encore. Plus personne n’y croit, Tu crois mais plus personne ne croit plus en rien. Il fait tellement nuit. Si noir. Il faut y aller Président. Rien de moins rien de plus

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10" et le site plutôt là : <a href="https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

2 commentaires à propos de “# Boost # 13 | dans le noir”

  1. Tellement Beckett dans ce morceau d’écriture Piero. Avec ces questions, ces mots, phrases qui se chevauchent, se coupent, s’interrogent. Merci pour cette lecture de ce soir, à bientôt.

  2. « ce noir complet profond cru…Vivant encore. Tu dors tu dormais tu dors. Non pas toi. Le dos le plaid le mur et la porte. Plus tard encore plus tard et bien plus tard. Une nuit puis une autre encore. Plus personne n’y croit, Tu crois mais plus personne ne croit plus en rien. Il fait tellement nuit. Si noir.  » Force des phrases hachées et dans toujours « ce cabinet- » avec ses bruits du monde avec cette vie qui attend sans attendre (sachant pas ) la Fin . Merci