Une voix parvient à quelqu’un dans le noir. Pas un bruit, sauf cette voix. Elle ne vient pas de devant ni de derrière, elle semble flotter, comme si elle sortait du noir lui-même. Claire tend l’oreille. Ce n’est pas une voix forte, c’est une voix posée, harmonieuse, elle dit : « Je suis là. Je ne t’ai jamais quittée. Tu peux bien faire comme si… mais moi, je sais. Je suis celle que tu caches. Celle que tu musèles. Celle que tu regardes à peine quand tu te croises dans le miroir. Tu crois que c’est toi qui penses. Mais c’est moi qui chuchote. Je suis la fêlure sous ta voix. Le mot que tu retiens. Le geste que tu t’interdis. Je suis la vérité que tu tais. Tu m’as bâillonnée avec tes habitudes. Tes habitudes bien propres. Bien tranquilles. Mais regarde : Il fait noir, maintenant. Il n’y a plus de murs, il n’y a plus de parois, Il n’y a plus personne pour te distraire de moi. Je ne suis pas ton ennemie. Je suis le vrai, le laid, le cru, le vivant. Je ne te veux pas du mal, je veux seulement que tu me regardes. Une fois. En face. Voilà, comme ça. Tu m’as manqué. »