#boost #15 | Finir

Photographier. Épingler. Fixer. Rattraper le perdu. Recommencer. Ramener le monde à soi, l’enfermer dans une boîte, fixer ses limites dans un cadre de dimension définie. Commander au monde, le rapetisser ou l’agrandir. Mettre le vaste en cage.  Le réduire à un « à plat » silencieux. Comme s’expliquer « entre hommes ». Plus de plis, de faux-semblants, de sentiment refoulé, de motivation cachée. On a tout lissé. Ou presque.

Filmer. Coller au monde sa respiration comme un don. Respirer de concert. L’endroit filmé, toujours le même comme une obsession dont on ne se dévêt pas. Ce qui change ne vient que du ciel. Toute volonté annihilée. Respirer. Et celui ou celle qui tenait la représentation du monde entre ses mains sont par nature interchangeables. Des instruments. Usés, ils disparaîtront. L’obsolescence du photographe est inscrite, quand son matériel demeure, survit.

Enquêter. Un prétexte comme détourner sa machine à interrogations, lui donner une direction, un cadre à ne pas dépasser, contrer son sans limites.

Écrire. Poser le point final. Se limiter à un nombre de pages raisonnable. Publiables, imprimables, lisibles en version brochée. Pour que l’objet se maintienne sans fatigue à hauteur de visage. D’une seule main, elles, ils le tinrent. Elles, ils le lirent.

Lire. À la fin surtout, ne pas rester sur sa faim. Ou alors prendre le relais et finir. Coller au livre la fin qui me convient. Ce n’est pas trahir.

Danser comme une promesse d’avenir pour eux venus pour le grand bal. Danser quand c’est le dernier mot du livre. Les bras en l’air comme on crie victoire. Les jambes en mouvement. Le corps devenu tourbillon. Les pieds sur les pointes pour aspirer le ciel. Et c’est vite vite comme pas chassés. Enchâssés, les mouvements au corps devenu centre de l’univers. Il tourne et tourne sur lui-même et la tête a jeté par-dessus bord ses repères, éclaté les points cardinaux, brisé les horloges humaines, rit au nez des biologiques. Le corps tourne sur lui-même et projette ses forces tout autour de lui. Il vibre de puissance éclaboussant la piste de particules de joie. Il expérimente le mouvement perpétuel. Il oublie qu’il s’arrêtera. Il est hors d’atteinte parce qu’il est sans pensées. Danser. Ou écrire. Pour le corps c’est pareil. Au grand bal de Ben, elle, lui et les autres, toutes, tous dansèrent.

A propos de Anne Dejardin

Projet en cours "Le nom qu'on leur a donné..." Résidences secondaires d'une station balnéaire de la Manche. Sur le blog L'impermanence des traces : https://annedejardin.com. Né ici à partir du cycle«Photographies». Et les prolongations avec un texte pour chaque nom qui dévoile un bout de leur histoire. Avec audios et vidéos, parce que des auteurs ou comédiens ont accepté de lire ces textes, l'énergie que donnent leurs voix. Merci. Voir aussi sur Youtube.