Pas le noir. Pas le noir qui enferme qui étouffe qui noie. Pas le noir qui enserre qui oppresse qui empêche de respirer. Tu ne l’aimes pas ce noir gouffre profond ravin abrupt dans lequel tu as peur de disparaître. Tu cherches toujours ce rai de lumière qui se faufilerait dans la noirceur de l’instant. Tu trouves toujours cet éclat même fugace, cet étincèlement qui te sauvera de la chute.
Et tu es allongée dehors, tu es couchée dans la nature, sur un carré d’herbes odorant, tu humes les odeurs sucrées du chèvrefeuille et le noir n’est plus noir. Au-dessus de toi, le feuillage te couvre, arc d’un vert profond qui te protège qui chuchote qui te berce, et les bruits sont doux gazouillis des oiseaux endormis, clapotement des vagues montant de la rivière toute proche et craquement de brindilles. Pas de voix, pas d’apostrophe, pas de sirène, juste quelques murmures et un flottement bienvenu.
Et puis tu es couchée sur le sable doré, le sable rafraîchi par la nuit, ton corps pèse sur ton lit de sable, tu écoutes, tu ouvres les yeux. Pas de noir, pas de noir, mais une voûte de velours bleu, transparence piquetée de diamants et de saphirs, une immensité qui t’emporte. Tu cherches tes lumières, tes étoiles, tu les nommes, tu les appelles, c’est toi, la voix, un murmure de reconnaissance, une litanie de retrouvailles qui se mêle à la voix du vent, à la voix de la mer, flux et reflux, puissance des marées, vagues qui chantent, se brisent, sifflent, frappent, fouettent, et enfin se posent.
Et puis tu te lèves, tu es debout, tu souffles avec le vent, tu tangues avec les mouvements de la mer, tu ancres tes pieds dans le sable humide, tu en tires une force nouvelle. Et ta voix résonne dans la mer, emplit l’espace et monte vers la lune pâle et ronde accrochée dans le ciel velours.