RECTO
Ce qu’on attend de nous. Les troupeaux de filles collées contre les murs, à l’ombre des bâtisses qui font la ville en tommettes rouges. Les gouttelettes sur les tempes à bourdonner de klaxons, d’ordres donnés à la hâte, les pots d’échappement cacophonent, raclures de ferrailles c’est dans le pif tout ça, tout cet alcool de bruits, et les camions aux carrefours, énormes potirons qui s’en fichent de c’merdier, tournent et déballent leurs coffres-forts de marchandises, faut bien nourrir le monde, étals de viande et de tomates. Le Proxi et ses rayons climatisés on se croirait en Normandie, à se bousculer l’après-midi rayon fromages, c’est un temple de fraîcheur le p’tit Proxi quand le soleil assaisonne tout, alors qu’ici « sroun al » c’est très chaud la banlieue mauve, froissée de faune abricot. Ce qu’on entend de nous, à grandes saucées de rigolades, les têtes tournantes au gré des sucres et des vertiges. À la ramasse, les filles ! Et les talons les talons les talons. T’as voulu voir Drancy, ben t’voilà à Drancy ! Bivouac sur la droite, ton sourire à table, vanille et fraise rafraîchissent les lèvres. Je te regarde dans le noir des yeux, ma ville enflammée et nous quasi mortes de réchauffement planétaire. Il est premier juillet moderne.
VERSO
ça les filles elles savent y faire, bouger au ralenti jusqu’à se figer tout à fait, la tête contre le mur, à choper un peu d’air dans les ombres passantes, retracer des yeux les lignes de démarcation de la place, heureusement le refroidisseur d’air est dans mon dos, et les bacs géants remplis de mottes de verdures, pour un peu on y planterait les bras, c’est le soleil enclume que voulez-vous qu’on y fasse, faut être fou pour rester sur la place, maintenant que le front coule jusqu’au fond des yeux. Heureusement les glaces soulèvent le frémissement des eaux, c’est comme des flocons de neige au sortir du RER, où devant moi monte le ventre des bacs, tout un champ de fleurs, tableau géant qui se mange, ô mes couleurs arithmétiques prenez prenez, la vie fruitière de toute ma bouche ! Je suis la vendeuse de glaces, et c’est vanille au chocolat, le doux glacis de caramel, et ces grandes barres acides prises à pleines mains par les enfants en sortant du train fournaise du diable. Les mains tremblent de sueur à chaque récolte, soudain les bouches, points de ressourcerie des neurones et des chevaux, le sang ravivé dans la chair. ça revient, ça circule, ça circule. Regarde comme cette fraîcheur rampe en toi, depuis le cerveau jusqu’aux jambes, pluie de météorites dans la gorge, regain d’hiver dans ton cercueil. Quand je rends la monnaie, c’est encore du gel qui contracte ta paume. Métal clair où brille l’insolite, le dégoulis de crème depuis le mât penché. Et ça fait gueuler la mère qu’a retrouvé sa voix.
Magnifique !!!
Un grand merci chère Sylvia c’est très gentil d’être passée me voir 🙂 vais vous lire avec grande joie !!!
Formidables mangeuses de glaces !
un grand merci Louise ! je découvre votre texte tout à l’heure 🙂
Ah retrouver ta voix ! tes mangeuses de glaces donnent envie de courir sous la neige et de chanter
Quel bonheur !! toi aussi tu es de la partie 🙂 merveilleux de se lancer ensemble dans ce grand défi de l’été, je m’en vais te lire avec joie !
J’adore. Ça coule comme une glace qui fond au soleil, ça climatise les neurones, Un verre de prune au fond du gosier. Merci.
Tu es une bienfaitrice de l’humanité en surchauffe. Ton texte pour les Villes en voix, aussi, comme une invocation !
Étonnant comme le toucher et la peau sont bousculés par les images de ton texte !