RECTO
Il est 1h30 du matin dans mon lit, le temps s’est suspendu, la nuit est un écran, les pensées défilent, le sommeil ne viendra pas, je pense le sommeil ne viendra plus, tout est à la surface, affleurent pensées, souvenirs, désirs, envie de hurler, de faire l’amour et de disparaître, tout est là sans hiérachie, tout est mouche noire volante bruyante, tout est tourmente, tout est possible, le désir de sombrer, l’envie de se laisser penser, de laisser les choses de la nuit former des remugles, des bulles de sens inattendu, le livre à côté ne sera d’aucun secours, le sens en est trop fermé, conduirait à l’agacement, à grincer des dents, à désirer plus ou moins, à vouloir. Laisser faire la surface, désir de laisser les choses penser flotter doucement, on verra,
il est 1h40 du matin dans le lit, au milieu de la pièce sombre un fantôme et vient une fumée, celle des incendies des forêts boréales, tu les observes, l’incendie et les animaux qui fuient et tu crispes ta machoire, tu n’y peux rien, tu veux juste t’approcher du feu, il n’a pas de température, tu t’approches, tu n’as plus d’imagination, remplacer la solastalgie par l’observation, vivre au milieu des fumées, « la mort est un maître d’Allemagne » revient au milieu de la forêt carbonisée, Paul Celan ne me sera d’aucun secours, Nous creusons une tombe dans le ciel où l’on est pas serré, cette certitude vacille, dans l’incendie de forêt, tu penses à la Rose de Personne, tu cherches où tu as bien pu mettre le livre, disparu de la section poésie, donné à Liza peut-être, mais non, tu la connais à peine, laisser certainement sur la table d’un hôtel à Chelles, pas sûr que la ville existe
Il est 2h du matin dans la chambre faiblement éclairée par une chandelle, hors temps ridicule, peur du sommeil et de l’incendie, avoir l’esprit encore de souffler la bougie avant de sombrer
il est 2h27 du matin le petit poucet remplace les couronnes des princesses par les bonnets de ses frères, je pense que je voudrais inverser les rôles, que l’ogre soit ogresse du nom de Rachida Dati, la petite poucett’ aurait 6 sœurs et les bonnets iraient sur les têtes des fils de rachida Dati et de Laurent wauquiez… les noms des hommes et des femmes politiques tuent la littérature, la littérature est pure, on y parle du monde en ne le nommant qu’à moitié, la moitié d’un effleurement, la littérature, espèce d’érotisme new age, flotter au dessus du monde pour mieux l’observer, Rachida Wauquiez en bavant et crachant dit je vais te bouffer, deux fois. Rester dans le lit, ne plus bouger, ne plus respirer, elle ne me trouvera pas, combien de temps rester comme ça ? une éternité avec quelques secondes, battre un record pour être sauver, ou bien dormir…
Il est 03h04, les moutons de Panurge n’en finissent pas de fuir vers la forêt de Roybon, au milieu une clairière et en son centre un puits immense, sans fonds, les moutons courent et chutent dans le puits, c’est un cratère ce puits, pourquoi les moutons ne sautent-ils pas, bêtement, par dessus une barrière miniature idiote, les bergers s’endorment-ils en comptant leurs moutons et la forêt ne suffit-elle pas à éteindre les lumières….
Il est 03h59 je fais l’amour avec le dieu Pan, des pieds de bouc, la barbiche qui pique, sur mon dos, il s’active, il me travaille, je ne sens rien, à part une odeur de jasmin, ça me monte à la tête, pourquoi faut-il que les chaînes télévisons en continu existent, je fais l’amour avec un dieu, beau comme un homme, je lèche son torse, je lappe ses seins, langue rappeuse, je bois son ventre, langue de chien, tes cheveux d’or Margarete, tes cheveux de cendre Sulamith, tu te souviens quand le Reichstag s’est mis à brûler, c’était la sidération, bouchée bée, à peine quelque chose d’intelligible à dire, bégayer, c’est là que nous avons commencé à bégayer seulement,…
Il est 04h22 du matin, la terre bouge, tremblement de terre, tu cries, tu te réveilles en larme, je parle de moi à la deuxième personne du singulier, pas si singulier, tu te souviens de l’incendie dans le Miroir de Tarkovski, le plus beau poème cinématographique, tu avais dit ça, pensé ça, ressenti ça, non il n’y avait pas de mot, tu penses ébahissement, une impression merveilleuse, si l’homme peut créer une chose pareille, ça que tu avais pensé, si l’homme peut créer une chose pareil alors nous sommes sauvés, le fameux alors, tu n’a jamais su le classer le alors, alors quoi ? alors rien ! mordre l’oreiller quand tu y penses, tu détestes les intellectuels, le Reichstag, on dit qu’il a brûlé toute la nuit, alors quoi ? on l’a laissé brûler, pour imprimer le parlement en feu dans la rétine des honnêtes gens ? quelqu’un aujourd’hui a dit que tu étais un intellectuel, c’est faux mais tu as eu le feu au joue, le miroir, tu ne regardes plus ton visage dans le miroir depuis des semaines, tu ne t’aimes pas, je ne ressemble à rien de ce que je suis,
il est 05h01 du matin dans la chambre, mon corps à migrer au sol, la forêt brûle en californie, je suffoque dans la nuit, j’ai oublié le nom de Natacha branché à moi, à l’autre bout de moi, rien à raconter, rien à réinventer, aimerait pourtant que ce soit le début d’autre chose, la fin des Moi antiques, des identifications simplistes, tirer au fusil sur la source de l’incendie pour l’étouffer avant qu’il ne grandisse, la forêt des landes brûlent, aimer la catastrophe, elle est esthétique, sublime, tu aimes avoir peur ?
Il est 06h00 ça sent le cramé, ça pue la haine, ça craint, je veux un dernier café, le dernier café, la dernière phrase jusqu’à demain, lorsque l’enfant était enfant, il marchait les bras ballant, il voulait que le ruisseau soit rivière… comme les larmes de sa mère, il voulait les boire dans un verre à pied,
VERSO
j’hésite à retourner voir ce film de Tarkovski. Ne plus y penser, prendre la veste, descendre l’escalier, entrer dans le cinema, et ce souvenir des plans au fur et à mesure que le film avance, aspirer à retrouver la campagne et les sous-bois comme on désire l’enfance. Pourquoi pleurer quand elle fume à la barrière et regarde l’homme qui s’avance dans les hautes herbes de printemps, balayées par le vent, les herbes sont polymorphes et les espaces sont ouverts, à Moscou, plus tard dans le film, tous les personnages seront enfermés dans l’appartement ou dans les bureaux, le monde s’est refermé, nous avons perdu les forêts, les hautes herbes, le temps ouvert comme un temps d’enfance