Elle est entrée dans la boutique. Au centre, sur une grande table en bois massif, des échantillons en éventail, des catalogues ouverts. Près de la fenêtre, une machine à coudre, et sur un mannequin, une robe de mariée en dentelle rose.
Elle n’habite pas très loin, elle était venue voir sa sœur. Elle avait vu un modèle dans la vitrine et s’était dit, « Tiens c’est joli, il arrive qu’on ait des fêtes de famille, qu’on ait besoin d’une petite robe qui ne fasse pas trop tralala mais qui soit un peu habillée ».
La ‘jeune styliste’ a superposé des tissus, les a rapprochés de sa peau. A la sœur, elle a dit, « il faut toucher. Chaque matière réveille des choses en nous, évoque le sucré, le salé… Et il y a aussi, l’odeur… ». Elle lui a collé la matière au visage. « Vous sentez cette soie ? ». La future cliente elle, avait ri, pourtant n’avait rien senti de particulier, sauf cette main qui la touchait.
C’est au moins le troisième essayage. La sœur, elle n’est plus revenue. La cliente dans sa robe toute épinglée, perchée sur un petit escabeau, se regarde dans un miroir sur pied. La styliste accroupie, son mètre ruban autour du cou, fait voler le tissu entre ses ongles peints. Trois couches de mousseline pour obtenir l’opacité. Ça permet de ne pas fausser le tombé de la matière et de donner cette silhouette longiligne. Lascive, la cliente prend des poses. « On aurait une vue plus précise avec les manches moulées, vous croyez… ? ».
La cliente n’a pas d’occasion particulière pour porter cette robe, ni un avenir quelconque pour elle, c’est juste comme ça. Elle avait dit à la ‘jeune styliste’ qu’elle adorait l’aubergine. Une épingle entre les lèvres, elle lui avait répondu, « Je dirais bien ‘lie-de-vin alors ! » Elles avaient ri.