Après une semaine d’enfermement à Paris, j’ai pris au débotté un billet de train pour le nord épargné par la canicule. Et me voilà à D, ville de la côte que je ne connais pas. Le dehors y reprend ses droits, même pour moi qui sort si peu.
Au sortir de la gare, une dame m’indique mon chemin Tout droit puis à gauche la grande rue et après je ne saurai pas vous expliquer vous demanderez, et vous serez à l’ombre au frais, elle n’imagine pas comme je savoure, elle sourit adorable, je remarque sa barbe clairsemée mais longue, un renoncement à toute beauté de vieille date surement. Je longe des arcades dorées et le port qui mange la ville. Je longe la grande rue piétonne aux beaux immeubles en briques sable ou rouges, aux ferronneries voluptueuses, j’aperçois de vastes cours ensoleillées et les boutiques sont comme partout Yves Rocher, Afflelou, Promod, Pimkie, un palais de la chaussure qui fête ses cent ans, et les coiffeurs brodeurs de mots comme partout Epi’Tête, Tête en l’Hair, le Casa d’ici fermé vitrine aveugle comme partout ailleurs se distingue par deux affichettes : Juste merci en lettres rouges entouré d’ étoiles signée Stéphanie, et à côté : C’est avec le cœur lourd que nous annonçons la fermeture de Casa. Nous vous remercions pour votre fidélité tout au long de ces années. L’équipe Casa Elisa Stéphanie Nathalie Aurore Amélie, cinq parmi les quelques 650 employés qui se retrouvent au chômage.
Dans une boutique plus luxueuse deux femmes tâtent une robe Oh ça ça m’irait bien et puis la laissent J’ai renoncé à dépenser des sommes pareilles…Moi aussi, surtout qu’on se lasse elles quittent le magasin sans rien acheter. Elle va avoir une belle maison. Moi j’aime pas trop l’extérieur, Mais c’est l’intérieur qui compte et elle a beaucoup de gout…
Le lendemain il pleut, toute la France est sur des charbons ardents et ici je me fais mouiller je n’ai pas pensé à emporter un parapluie ou un imper. Dans l’église – cette habitude héritée de rentrer dans toutes les églises – dans une chapelle fermée d’une dentelle de pierre une dame catéchise une petite fille : Tu vois ce que tu peux faire quand tu es à l’école- voix chantante et affectée enveloppant une autorité intransigeante c’est aller vers un petit garçon seul ou une petite fille seule et jouer avec. Ma canne résonne sur les pierres La vierge Marie a porté Jésus comme ta mère a porté Jésus, enfin t’a portée… avec beaucoup d’amour on peut lui demander plein de choses. La petite qui souffre d’un léger boitillement est très intéressée et pose plein de questions Et ça ? Ça, c’est un ange… les parents suivent
Au sortir de l’église, il pleut toujours je n’ai ni imper ni parapluie – cette incapacité à prévoir une météo autre que celle que je quitte me surprendra toujours, une pancarte EXPO m’attire malgré tout, c’est au cercle maritime, on est accueilli par un mannequin en officier marin, il s’agit d’encres et d’aquarelles délicates, très dépouillées. L’artiste est sur place, il se raconte, toute une vie organisée pour peindre, travailler pour survivre en réduisant ses dépenses, estime avoir son écriture et se distingue humblement des grands et des génies, a été le comptable de Niki de St Phalle dont l’humilité était selon lui maladive et de Henri Michaux qui si je l’ai bien compris ne plaisantait pas avec ses comptes, précise qu’il n’a jamais osé demander le moindre croquis ni à l’un ni à l’autre, c’eut été malvenu. Quand je sors, il pleut toujours…
Merci beaucoup Catherine pour ces histoires de pluie, du Nord, d’artiste.
merci Clarisse du passage et du merci!
C’est très plaisant de te suivre entre gouttes, rencontres et réflexions. Tu rends toujours les choses de façon très vivante. A bientôt Catherine !