#rectoverso #01 | Henriville

Henriville 03 Juillet 2025

               Je préfère rester à la maison, prendre la voiture devient infernale, tu sais quand tu pars mais tu ne sais pas quand tu arriveras à destination. Ça devient galère et dangereux ! Des travaux à tous les coins de rue, des camions de chantier, des chaussées déformées, des voitures mal garées, des conducteurs  dans la lune trois plombes pour démarrer au feu, qui s’accaparent la route, des piétons qui traversent en dehors des passages, des trottinettes qui débouchent de nulle part, qui zigzaguent devant la voiture, des trottinettistes sans casque, symbole de « j’ai tous les droits ». Vigilance obligatoire.

On n’avance plus.  La tension augmente, la patience diminue.  C’est certain, je serai plus en sécurité à pieds et j’irai plus  vite. C’est la réurbanisation ! 

                A chaque rendez-vous important tu doubles le temps de prévision de maps.

                En ville les places de stationnement sont rares. Ouf ! Aujourd’hui tu as de la chance, tu trouves une place pas trop loin. Zut ! Pas de pièces pour le parcmètre. Tu pestes,  t’as  jamais voulu installer l’appli pour le stationnement. Tu fais toujours ta rebelle. Ils vont passer, ils passent régulièrement, surtout dans les quartiers un peu éloignés du centre. Ceux-là, qu’on appelle « les sulfateuses »,  ces voitures vampires qui sillonnent les rues où le stationnement est payant. Je croise les doigts ça porte chance.

               Recherché par les cadres, Le quartier Henriville est le plus chic d’Amiens. Résidentiel, des grandes maisons bourgeoises du XIXe siècle, des écoles réputées, de larges rues dégagées, propres, calmes, désertes. Du haut de cette avenue qui rejoint le centre, tu peux apercevoir le haut de la cathédrale, en contre bas. 

               C’est ici que j’ai rendez-vous, dans un petit immeuble de deux étages  de construction récente, coincé entre ces imposantes demeures. Des murs au crépi clair, des petites fenêtres en bois exotique alignées en façade.

               La porte d’entrée, simple panneau de bois clair orné d’un oculus rectangulaire opaque étroit près de la serrure, pas de poignée de porte.  De chaque coté, des plaques professionnelles alignées  les unes en dessous des autres.   

               A droite sous les plaques, un bouton à un mètre du sol pour ouvrir la porte.

               On rentre dans un petit sas plutôt en longueur qui  sert de salle d’attente. Six chaises blanches de style « Kartel », trois à droite, trois à gauche. Au sol un lino moucheté gris foncé. Des murs blancs ornés de quelques affichent qui informent de certaines modalités : des infos pour la facturation – un rappel écologique (amener sa serviette) – des revendications…     

               Aucun bruit, aucune odeur. Au fond une porte qui donne accès aux salles de kinésie avec une sonnette pour prendre rendez-vous. Un rez de chaussée professionnel.

               Assise, tu attends ! Tu es toujours la première, tu as besoin d’être rassurée en arrivant un petit quart d’heure avant. Tu as un bouquin. Dans la salle d’attente il n’y a pas de revues.

               Les patients arrivent les uns après les autres. Juste un petit bonjour. Tête baissée, ils se plongent dans leur téléphone coupant court à toutes conversations. Celui-là face à moi est complètement plié en deux la tête sur les genoux, plongé dans son téléphone, plus rien n’existe.

    Côté verso :

               C’est lundi matin, j’ai besoin de papier pour mon imprimante. Les magasins en ville sont fermés. Ce n’est ni mon jour ni mon heure, et d’habitude je n’irais pas. Je n’aime pas ces grands magasins, bruyants, qui grouillent de gens éberlués.

               Pressée, je cherche le rayon, je ne le vois pas, je me perds. Je suis déjà passée là ?    

               Ouf ! Trouvé !

               Direction la caisse.

               Devant moi, pas trop de monde, juste  deux caddys pas trop pleins, plus celui à la caisse, je suis rassurée !

               La caissière, plutôt jeune, prend lentement les articles du tapis, les scanne puis les repose en bout de caisse. Des gestes répétitifs à longueur de journée. C’est la machine qui enregistre le prix.

               Le client, la cinquantaine, tempes grisonnantes, costumes bleu, cravaté, tiré à quatre épingles, surpris par l’addition, s’exclame : «  ce n’est pas possible !  il y a erreur. » La jeune femme apeurée ne comprend pas. Et l’autre de lui répéter que ce n’est pas possible de payer ce prix là. Il déballe tous les articles, contrôle le nombre, le prix, et, d’un ton arrogant, regard assassin, toise la caissière, lui brandit le bout de papier sous les yeux : «  là, là, vous voyez !  Vous comptez  4 lots de 4 boites de thon alors que j’ai 4 boites. La caissière essaie de comprendre ce qui s’est passé. Mais avec les cris et les grands gestes du client, perd tous ses moyens. Ça fait plus de dix minutes que ça dure.

               Enfin la responsable des caissières surgit, une femme d’âge mûr, maquillée, dans son costume bleu marine, petits talons. Le client lui hurle dessus. Elle n’écoute pas les jérémiades de l’hystérique, la caissière tétanisée, mutique lui tend le ticket.

La cheffe invite le client à se calmer et lui dit qu’il y aura une solution. Après contrôle du chariot, elle constate l’erreur. Sans accuser la caissière, sans s’aventurer sur les causes, elle lui explique comment corriger. Content de lui, il en profite pour accuser le magasin de tromper régulièrement les clients, on ne peut pas faire confiance. La responsable s’excuse platement. La caissière passe au client suivant.

J’ai perdu une demi-heure.            

4 commentaires à propos de “#rectoverso #01 | Henriville”

    • Bonjour François,
      Oui! la mise en route est difficile. C’est comme tout il faut se familiariser
      Merci pour vos propositions
      A bientôt

  1. Merci pour ce portrait de la voiture dans les rues d’Amiens, ville que j’adore. Et merci pour l’histoire du supermarché, j’ai beaucoup ri. A bientôt.

    • Bonjour Clarence,
      Merci à vous, c’est une première pour moi, j’espère tenir la route
      A bientôt!