#rectoverso #02 | à ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal

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#02 | à ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal

Écrit en 2015, dans la foulée de deux livres marquants (Naissance d’un pont, 2010 et Réparer les vivants, 2012), retour de Maylis de Kerangal à une forme expérimentale, avec donc cet bref mais si complexe et prenant à ce stade de la nuit (sans majuscule) après un autre livre remarquable, bref et expérimental : Pierres, feuilles, ciseaux, suite de portraits.

Tout part du mot «Lampedusa», associé aux informations, journaux, radio, cette île au sud de l’Italie aux avant-postes de l’accueil ou du désastre des migrants et leurs sauvetages ou naufrages en Méditerranée, engageant responsabilité collective.

Un mot qui déclenche une pluralité de strates superposées : les conditions mêmes de comment parvient ce mot, la nuit, la cuisine, la lampe, s’étirer, la fenêtre, mais aussi le souvenir de plusieurs voyages en Sicile, les trains de nuit, le Stromboli, et — même si cela ne tient qu’au nom de l’auteur du roman adapté par Visconti, son film Le Guépard. Et comment le nom même de l’acteur, Burt Lancaster, vient battre dans le même espace de réminiscence flottante.

Ces strates travaillent en permanence dans chaque «reprise» de ce texte fonctionnant comme une fugue, même si chaque strate est tour à tour dominante dans la séquence concernée (je n’utilise pas ce mot «reprise» dans la vidéo enregistrée hier soir, mais c’est lui qui me vient ce matin).

Et un même incipit pour chacune de ces séquences et reprises, le syntagme qui donne son titre au livre: «à ce stade de la nuit» (sans majuscule). Et suivi d’une dramaturgie, ou scénographie, portée au présent par un «je»…

Mais si ce «je» nous le reprenions, que nous reprenions aussi cette formule incantatoire, et décidions arbitrairement, dès maintenant, qu’il s’agissait d’un «je» de fiction ? En se contraignant justement et à la formule d’incipit, et au présent, et à un «je» de fiction, hors de nous qui l’écrivons ?

L’idée alors de reprendre dans le doc à télécharger (transmis par mail à tous les inscrits, sinon dites-le) l’ensemble de ces ouvertures de séquences… Le livre me semblait un dédale immense et puis non : ces reprises sont 9, uniquement 9, lisez…

Alors une bifurcation, et c’est là aussi que l’exercice prendra pour vous sa difficulté et sa pertinence : est-ce un seul «je» et dans une seule nuit ? est-ce un seul «je» mais dans 9 nuits distinctes (à vous même de les convoquer dans tous les âges d’une vie…) ? ou bien, choix inverse : est-ce une seule nuit mais 9 «je» différents, inconnus les uns aux autres, traversant cette nuit, dans la même ville ou dans autant de villes qu’ils sont de «je» ?

En tout cas, ambition et ampliation : blocs paragraphes, et si on décide d’en faire 9, comme le fait Maylis de Kerangal, ne pas craindre la longueur (vous savez que, si vous complétez et augmentez un texte mis en ligne, vous pouvez, au moment du «publier», actualiser sa date de mise en ligne).

Ça donc pour notre «recto».

Et pour le «verso» : c’est la 3ème séquence (ou reprise) du livre de Maylis de Kerangal — dans cette réminiscence du Guépard de Visconti, le souvenir de quitter son appartement, descendre l’escalier et prendre le bus (on a même l’itinéraire, les ambiances, les lumières), rejoindre la petite salle de ciné-club dans le Ve arrondissement (quelle place on choisit, combien de gens, les odeurs), la projection elle-même, et puis la ville retrouvée à la nuit.

Là, le «je» peut être vous-même. Parce qu’on ne choisit pas ce thème, et surtout le film, au hasard: c’est un «je» et son film, le trajet, le lieu, la projection.

Lien commun : la nuit. Lien commun: le présent. Lien commun : le «je», fiction dans le «recto», et devant ou face à la fiction dans la projection du «verso».

Et la découverte de comment, en moins de 75 pages, on peut faire tenir un monde, et de ce qu’on exige de ce monde.

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