#rectoverso #01 | Pas de blaze

RECTO

Il y a une cour, il fait chaud dans la cour malgré de nombreuses plantes installées dans de gros pots de terre cuite, des avocats, des altéas, des pieds de tomates, et d’autres arbustes bien feuillus dont il faudrait chercher le nom, au fond de la cour des arbres rafraîchissent l’atmosphère de l’espace vert de la propriété mitoyenne, ils forment un bosquet entre les façades de l’îlot, et l’herbe à leur base est encore verte, une petite fraîcheur arrive de ce côté. Une dernière respiration, un appui sur un bouton-poussoir, le portillon s’ouvre, on est sur l’avenue.

Là, c’est dimanche, on va au métro et on longe une grande surface ouverte, des surgelés de marque, celle qu’apprécie les jeunes bobo du quartier, disons des trentenaires aux salaires élevés et qui mangent sain. Ils y trouvent des plats variés et de toute nature, comme la pizza végane au pesto, la création du mois mise en avant dans la vitrine avec une palette de couleur et d’attitudes souriantes, les rangées de congélateurs se devinent dans l’ombre, avec dans un angle vers les caisses une belle offre d’épicerie. Il suffirait de pousser la porte avec un peu d’effronterie, de faire un tour en prenant son temps avant de ressortir en lançant un sonore Je reviendrai, pour profiter de la fraîcheur avant la journée que le matin déjà trop chaud annonce brûlante.

C’est mardi ou mercredi que me vient l’idée du corps de ceux — le plus souvent des hommes qui ont commencé dans l’adolescence, même si quelques femmes s’y osent aussi — qui taguent et graffent les murs des villes, des usines, des pignons d’immeubles du centre-ville et les façades de bâtiments squattés, des wagons le long des voies ferrées, sur les passerelles au-dessus de l’autoroute, partout où l’accès caché a été bravé, visible comme une trame, dans leurs compositions. La taille des lettres, leur forme, la surface recouverte, les effets, tout dit les corps étirés, les équilibres affirmés et audacieux, les positions qui allongent les extrémités, bras, épaules, mains au service de la tenue ferme de la bombe, du geste corrélé à la précision du jet de peinture, les genoux en grand plié pour descendre plus bas, l’attention à garder l’horizontale de l’ensemble, à la netteté d’une forme ou à un effet de flou, les lignes fermes de chaque lettre, les trompe-l’œil d’où naissent un trou ou une vue passe-muraille, tout ce qui relie, les ombres, les soulignés, les gouttes, l’utilisation du noir, de l’argent. Devant une compo qui explose de couleur, une femme et un enfant se tiennent par la main.

VERSO

A propos de Catherine Serre

CATHERINE SERRE – écrit depuis longtemps et n'importe où, des mots au son et à la vidéo, une langue rythmée et imprégnée du sonore, tentative de vivre dans ce monde désarticulé, elle publie régulièrement en revue papier et web, les lit et les remercie d'exister, réalise des poèmactions aussi souvent que nécessaire, des expoèmes alliant art visuel et mots, pour Fiestival Maelström, lance Entremet, chronique vidéo pour Faim ! festival de poésie en ligne. BLog : (en recreation - de retour en janvier ) Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCZe5OM9jhVEKLYJd4cQqbxQ

6 commentaires à propos de “#rectoverso #01 | Pas de blaze”

  1. On sort de la végétation intérieure, un peu d’air pour respirer, un peu de fraîcheur en passant, en rusant, et on s’étire pour mieux détendre la représentation en image, et délier les mots qui vont avec. Une façon de réveiller la plume en douceur ? — Merci Catherine

    • Oui, c’est ça ! Aucune ambition autre : écriture post livre, pour aérer et rafraîchir,
      Merci de lire,

  2. Catherine, j’adore ce début « C’est mardi ou mercredi que me vient l’idée du corps de ceux — »

    faire venir l’idée du corps de ceux qui … ca ferait une jolie contrainte d’écriture ça…

    • Trouver une contrainte d’écriture dans le texte d’une autre : c’est tout Line ça. J’avais aussi souligné l’idée de  » faire venir « l’idée du corps de ceux »  » Merci Line Merci Catherine

      • Merci à vous Line et Cécile de mettre à jour les mystères que les nuits dissimulent,

  3. Beau prolongement du recto au verso, et très vivant, ce dialogue, rafraîhissant (j’aime beaucoup la forme qui laisse au lecteur l’interprétation de qui dit quoi)