#rectoverso #01 | Journal du dedans

RECTO

De chaque côté du bureau les hommes en bleu sont installés comme en décalage, comme pour pouvoir se voir mais pas en face, ils se parlent avec le recul de leurs jambes étendues loin devant eux, l’arme noire à leur ceinture est un aveu

Sur la chemise de l’avocat il y a des grandes tâches sombres et la robe sur son bras, il marche le long du couloir vide, tête baissée, seul sort de la bouche la grande fumée de la cigarette électronique, les mots sont pour plus tard

Au centre de la petite place qui fait face aux grilles du palais de justice il y a une brocante et un orchestre de musique latino, des touristes et des locaux glissent sous la chaleur entre les étalages de vieilles choses qu’ils n’achèteront pas. Dans le coin à droite, là où il n’y a pas d’exposant, un camion de l’administration pénitentiaire attend

VERSO

Dans la salle d’audience le jeune homme est debout et son visage dépasse de la glace qui le sépare de nous. Je n’ai jamais fait ça je le jure sur tout ce que j’ai. Les mots arrivent dans le vide des têtes tournées qui le regardent ou ne le regardent pas, il est de côté pour nous de toute façon. La tête de l’avocate de la victime se tourne vers lui. Pourquoi si j’avais fait ça je serais resté après, avec tout ce que je risque je me serais enfui. Il ne dit pas les choses lentement et calmement, il enchaine plutôt reniflant, il pleure beaucoup. L’avocate regarde ses mains. Elle a menti et je dois vous dire que non elle n’était pas traumatisée, Moi j’avais un genou sur le cou, elle, elle riait. La nuque de l’avocate a comme une petite contraction, puis sa tête fait un petit mouvement de droite à gauche, comme font les gens quand ils sont consternés. Je dois vous dire qu’elle a menti je ne l’ai jamais frappée.

A propos de Line

De métier éducatrice auprès d'adolescents en difficulté. Animatrice d'atelier d'écriture depuis 2020 (DU Université AIx-Marseille) . Porosité entre ces deux espaces là qui se mélangent quelque fois, parfois plus que je ne le crois.

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