#rectoverso #02 | Les yeux dégorgent

Recto

A ces stades nuits d’infos les yeux regorgent de je morts

A ce stade nuit je petite fille retient son souffle pour que la poignée ne bouge pas l’aléatoire du désir vicié empêche les yeux de dormir toujours à ce stade nuit l’attente parce que de clef il n y a pas sur la porte et l’homme respire trop fort et la mère n’entend pas ou n’est pas là ou n’est pas tout court et pendant et pourtant les tribunaux disent tu dois ton père voir qui t’aime même si mal même si la poignée trop déjà même une fois trop assez  chut les yeux font semblant de dormir mais ça ne suffit pas ça ne suffit jamais parce que le je corps est un objet et il manipule ils manipulent nous manipulons l’enfance à dégueuler du blanc

A ce stade nuit je tire toujours je meurt toujours je survit à peine une enclave pourtant les voix osent mais rien ne suffit plus à finir à taire à stop au sordide chair à vif parce que gagner d’abord éliminer toujours la ressemblance pour de faux retourne chez ou avec qui Alors je meurt sous les bombes meurt meurt meurt c’est bon Il reste encore des je à éliminer alors je continue et déshumanise les fusils et les petits bras famine les je sont juste des points sur la carte d’un côté de l’autre ils jouent à finir les corps pourtant il restera toujours des je et alors quoi

A ce stade nuit un je ivre et paf un poing et bim un sexe ça coule sale mais s’en fout l’ivresse veut juste prendre et relâcher ce qui grimpe dans les muscles tous les muscles rien ne sert de dire non puisque l’ivresse devine un oui qui n’existe pas et peut être que demain oui demain une fleur un mot pour dire pardon peut être mais peut-être même pas puisque l’ivresse appartient à la nuit et alors pfuittt c’est oublié et donc le je n’existe pas la nuit reste nuit et les larmes ne viennent pas au monde au matin reste peut être des marques il suffit alors de cacher sous des vêtements du faux teint il suffit de dire pfuitt c’est un rêve celui de l aigle noir de l’enfance tenace suffit de ne pas croire et alors peut être que l’ivresse au je ne reviendra pas jusqu’à ce que et hop reparti

A ce stade nuit une plage un canot presque pas de moteur des corps et des gilets oranges beaucoup trop lourds beaucoup trop gros et la mer s’élance et le canot tente la traversée à son bord des je prières et les étoiles peut être qu’un bateau peut être que la noyade peut être que de froid peut être que sur la plage un je petit grand peut être que l’arrivée et case départ ou camps ou dédale peut être que mais quand même pas assez A ce stade nuit des je en tenue bleu lacèrent un canot. A son bord des corps vivants Un je gouvernement félicite l’initiative qui entrave l’arrivée de nouveau je sur le sol Anglais. Et la manche de s’infiltrer dans le canot


A ce stade nuit la chaleur trop et le corps trop et la vieillesse et les os crac et personne n’entend à ce stade je s’étouffe le bras n’attrape pas le verre le bras trop et la bouche grince la couche pleine trop mouillée salée tachée envahie trop fatiguée mais pas morte encore trop trop trop mais encore

A ce stade nuit ils ordonnent le je garçon ils défient la famille pour un regard un sifflement ou juste pour être au monde le je garçon défiguré et balle en tête jeté dans le fleuve vengeance disent les hommes blancs acquittement disent les hommes blanc graine de délinquant disent les journaux et la confidentialité du père pendu servira de défense aux tueurs du je. Le je corps prendra le train jusqu’ à Chicago ou la tête je déformée sera exposée puis photographiée pour le souvenir du possible du potentiel du probable encore et les cous continuent de ne plus pouvoir respirer sous les genoux policiers à ce stage nuit lire et se souvenir du calibre 45 pleine face qui d’un je petit garçon le visage écrabouillé fut rendu à sa mère

A ce stade nuit je attrape une aiguille et l’enfonce pour tuer le presque bébé le presque vivant le presque pas désiré parce que trop tout pas assez violée maltraitée. Une aiguille et une hémorragie une aiguille à mourir le presque et la mère si. Je a une technique aléatoire je vends ses services au désespoir filles je ne sais pas mais propose et vaille que dispose. Je sauve aussi des vies.

A ce stade nuit un feu d’artifice et une fusillade des armes à feu sur mineurs un je enfant sur place tombe un je mort

A ce stade nuit une piscine des voix tranquille un je petite jambe doucement au bord de l’eau
Des voix tendues appellent un prénom l’eau n’a pas fait de bruit dedans un je corps trop tard
Une thèse accidentelle oui mais un petit je corps noyé
A ce stade nuit l’eau monte vite un camp d’été submergé et 30 je portés disparus
Le fleuve Guadalupe a englouti des je la piscine englouti des je la mer englouti des je


Verso
Ma salle de cinéma n’existe pas elle est trop loin trop chère et pas assez en VOST alors ce soir ma salle par ordinateur sur Arte et Querer qui traque les failles les silences la violence qu’on ne croit pas dit plus n’imagine pas parce que bien propre le langage de parade et le milieu qui va bien dit pas de viol de nuit pas de viol sur épisio pas de viol par sodomie endormie et le tribunal qui n’a pas assez de preuves_ parce que qui peut la preuve dans un lit conjugal_désigne innocent le mari de se pavaner au champagne et de traiter folle la femme qui 30 ans de viol dans le lit. Le je au poing crispé prend ce qui ne se dit pas et des doigts dénoncent l’innocence par manque de preuves. Faire état de preuves dire je ne veux plus et tant pis si je perdre, soyons des je dénonçant.

A propos de Jen Hendrycks

J'écris depuis l’indignité. je traque ce qui fend, fracture, endure. Écrire comme sursaut, sédition et dire sans polir ni plier. En veille et sorésie, toujours. jenaie@hotmail.fr

14 commentaires à propos de “#rectoverso #02 | Les yeux dégorgent”

  1. Ai eu du mal à trouver la clef pour lire les textes. Puis, ai écouté l’audio et j’ai trouvé tout très fort. Merci pour ce voyage.

    • Merci à toutes deux. Oui mon écriture passe par l’oral. Elle me passe en bouche avant tout.

  2. J’ai aimé tous ces je qui luttent et toi qui dénonces tout en poésie.
    L’entendre est encore plus fort, un uppercut en plein je !

    • En tour cas je vais essayer de m y tenir. Mes filles ne sont pas là pour quelques jours je veux croire que je vais tenir le début au moins. Et puis merci pour les autrices!!🙃🙃

  3. Impressionnée par l’utilisation du JE, formidables textes pour faire le tour des horreurs du monde

    • Merci Catherine je n ai pas publié sur le Word press depuis un moment mais je suis ravie de retrouver des voix connues

  4. Texte magnifique porté par une voix « je » d’une sensibilité lumineuse
    Merci pour votre texte

  5. les yeux dégorgent et les oreilles s’aiguisent. pris aux tripes on est.
    contente de t’entendre et te lire ici. merci Jen.

    • Coucou Cécile, J’ai bien eu ton mail. Je garde bien en tete le Emma et tente de lire et répondre à la proposition. Un chouille sous l’eau depuis quelques semaines. Merci merci de ton passage ici 🙂

  6. Merci pour l’audio qui m’a emmené dans la substance de l’horreur d’une manière respecteuse et poétique.

  7. Je remonte le fil. Décidément, « L’Empreinte », ce récit dont je te parle en écho à la #03 ou la #04. Et « Querer », oui tellement, démolir les espaces de domination, jusque dans les espaces les plus policés. Dénoncer les dominations. Les révéler. Pour être des JE debout. Tous ces fragments-coups de poing sont bouleversants. Merci Jen.