Il y a que je croyais t’aimer, que tu croyais m’aimer, et que tu ne m’aimais pas. Il y a la crainte que tu as de te retrouver isolée ; la peur qui me noue le ventre à devoir affronter les jours sans toi quand je m’imaginais un destin pour nous deux. Il y a la gamine qui ne comprend pas, qui nous en veut, à l’un plutôt qu’à l’autre ; tous ces mots d’enfant qui font mal. Il y a l’annonce que nous devons faire aux proches, les larmes à retenir, les cris que je laisse sortir pour aussitôt les regretter. Il y a la recherche d’un nouvel appartement, la case « célibataire » désormais à cocher dans les formulaires administratifs. « Divorcé » non, pas encore. Il y a d’abord l’avocat à trouver. La paperasse à fournir. Il y a le ventre qui se retourne quand tout revient au milieu de la nuit et que je ne sais plus comment faire. Il y a les cachets pour dormir, les cachets pour sourire, les cachets pour ne pas mourir. Il y a l’alcool que je bois pour ne pas oublier, pour me faire du mal, pour que les larmes montent et me submergent enfin. Il y a une vie à reconstruire. Il y a des choix qui désormais n’appartiennent qu’à moi ; qui n’appartiennent qu’à toi. Tant de choses nouvelles que l’autre ne connaîtra pas. Il y a des jours où l’on finit par presque ne plus y penser, et il y a des mots, des regards échangés qui nous font y croire à nouveau. Il y a une nouvelle vie qui commence, et c’est chacun pour soi, désormais. Et pourtant…
il y a eu l’amour qu’on avait refait quand on croyait tout perdu ;
il y a eu l’enfant qui s’endormait dans nos bras ;
il y a eu des nuits où je te rejoignais, t’observant dessiner sans rien dire ;
il y a eu la nuit où tu as perdu les eaux, la naissance de notre fille au petit matin ;
il y a eu la promesse que je t’avais faite de t’enlever à ta vie, sans savoir qu’elle ne serait jamais tenue ;
il y a eu ce « nous », qui n’était vraiment ni toi, ni même moi ;
il y a eu pourtant ce moment où tu as cru en moi, et où j’ai cru en nous, parce que nous avions vingt ans et qu’à vingt ans tout semblait possible ;
il y a eu cette nuit où j’ai senti ma vie basculer, sans savoir encore dans quelle direction, mais avec l’intuition que rien ne serait plus jamais comme avant ;
il y a eu ton visage endormi traversé d’un rayon de Lune que je regardais dans le noir ;
il y a eu la première fois où nous avons fait l’amour ;
il y a eu un jour où tu m’as dit que tu avais rêvé de moi ;
il y a eu notre première rencontre, quand nos regards se sont croisés pour ne plus se lâcher ;
il y a eu notre premier baiser, ta langue sur mes lèvres et c’était déjà faire l’amour ;
il y a eu le OUI que tu m’as murmuré à l’oreille…
Oui, dans le creux de mes bras ; le OUI que tu cries quand tu jouis. Oui à la tendre agonie. Oui, à la mairie. Oui, à l’enfant désirée. Oui à l’oubli de soi. Oui que l’on dit quand on n’ose plus dire non, le Oui des premières compromissions. Oui au temps qui passe. Oui aux tempêtes. Oui aux larmes trop longtemps ravalées. Oui, je te quitte. Oui, c’est fini. Oui, je ne t’aime plus. C’est vrai, tu avais dit oui, mais moi, je n’avais pas compris que c’était une question.
Bonjour Philippe,
J’ai beaucoup aimé votre contribution. Incarnée et vraie : tout ce que j’aime dans l’écriture. Bravo et merci.
Oh ! Merci, merci beaucoup Emilie.
beaucoup de violence et de tristesse dans ce texte (je trouve parce que ça me prend dedans) dans un registre très intime que tu approches de plus en plus
ça brise le cœur quand même
et ce « oui dans le creux des bras » qui fait écho au fameux titre de Camille Laurens qui l’avait fait connaître…
Registre très intime, mais ouvert sur la fiction… La frontière est ténue, mais elle ne se tient pas toujours où l’on croit. Merci de ta lecture Françoise.