Recto
Il y a ton amie qui est revenue vivre en France, cinq ans déjà qu’elle était partie
Il y a de la farine, du lait, trois œufs et des pommes, beaucoup de pommes
Il y a les cours de Qigong gratuits tous les matins au parc des Buttes Chaumont
Il y a des cris et des pleurs derrière la porte
Il y a les fleurs violettes qui poussent coûte que coûte dans les fissures du béton
Il y a un sac Gucci noir
Il y a des odeurs qui rendent mélancoliques, d’autres font pleurer
Il y a le train qui rejoint Moscou à Vladivostok : le transsibérien
Il y a les draps en coton marron ou la housse de couette rouge, elle préfère la housse de couette rouge
Il y a la musique de « Il était une fois dans l’Ouest »
Il y a le bleu de cobalt pour le bonheur, le violet de cobalt pour la rêverie
Il y a l’intuition, l’audace, le courage et le cran
Il y a le centre ville, la banlieue, la périphérie, la lisière aussi
Il y a la bonne santé et la joie de vivre
Il y a un enfant autiste qui s’appelle Otis, il est mal traité dans l’institut où il est placé, il y a une femme, sa mère qui est prête à aboyer à aboyer à aboyer
Il y a la peinture, l’écriture, le violoncelle, le piano, le roman-photo
Verso
Les scrabbleuses, les scrabbleurs, (oui ces mots formés de deux fois trois consonnes consécutives) existent, ils désignent les personnes qui jouent au scrabble. Oui, les scrabbleuses, les scrabbleurs, le savent, il n’y en a pas tant que ça des mots constitués qu’avec des voyelles. Il y en a dix sept et seulement sept sont formés de trois voyelles : Aïe, eau, eue, oie, oyé, yue et oui. Oui, monosyllabe, petit mot de trois lettres, immense comme Gaza et Israël réunies. Parfois oui est timide il tremble un peu, parfois oui est crié, tranchant comme une épée. Et puis il y a oui qu’on regrette, oui qu’on dit pour faire plaisir, oui qui veut dire non mais qui n’ose pas, oui qui ment, oui qui se tait sous le poids d’un regard, oui automatique « Ça va ? » – « Oui ». Oui oui oui oui effectivement oui, ce n’est pas l’inverse du non. Oui c’est une balade, une suivance, une invitation « Je suivis ce mauvais garçon | Qui sifflotait mains dans les poches | Nous semblions entre les maisons | Onde ouverte de la mer rouge | Lui les Hébreux moi Pharaon ». Oui éphémère qu’on écrit sur la buée, sur le sable, oui pérenne qu’on tatoue sur le bras, le mollet, la nuque. Oui à jamais, oui pour toujours. Le oui de Woody Allen « La réponse est oui mais qu’elle était la question? », le oui d’Etorre Scola « Fellini mentait oui mais avec philosophie », le oui de Monica Bellucci « Le luxe ne m’intéresse pas l’argent oui », le oui de Stanley Kubrick « vous savez ce qu’on dit : Docteur un jour, docteur toujours. – Oui ou dans mon cas : pas docteur… pas docteur » et un autre oui de Woody Allen « Le sexe sans amour est une expérience vide. – Oui mais parmi les expériences vides c’est une des meilleurs. » Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui, Oh… OUI
J aime beaucoup le titre qui pourrait déjà être une proposition de réponse : il y a et oui
Merci Cécile pour ton joli texte, beaucoup aimé ton verso et le scrabble. Bonne journée.
J’aime le divers de la cohabitation des « il y a », du petit au très grand, du léger au plus grave,…le monde, la vie quoi. Et puis j’aime aussi ce OUI, toute en légèreté, mais le grave pas loin, toujours, embusqué…Et cette chute ! Savoureuse 🙂