Recto
Je l’admire, toute l’année, je l’admire. Je ne dis rien, ni à lui, ni à son frère, ni à ses amis, ni à personne. Je garde mon admiration secrète mais je pense à lui, je veux jouer avec lui, je le regarde de loin, je le contemple sur scène, je n’ose pas aller le voir.
Verso
Je ne sais pas qui elle est, je ne l’ai jamais vu, je ne pense pas à elle, je suis entouré, je suis aimé, elle n’existe pas pour moi.
Recto
Je pleure avec lui, je ris à ces mots, je l’applaudis debout. Parfois, je le croise dans les escaliers, je crois même avoir une fois effleuré sa main mais je ne m’en rappelle plus très bien.
Verso
Je joue, je travaille, je veux réussir, je dois réussir, je suis un acteur, je suis jeune, je suis beau, je dois me montrer. Les filles m’admirent, les hommes me jalousent, c’est comme ça et c’est bien.
Recto
Ce matin-là, je rentre dans une pièce et il est présent avec un de mes amis. Je les embrasse tous deux si maladroitement. Je ne sais plus où et qui regarder. J’attrape mes mains qui se mettent à trembler, je ne reconnais plus mes mots. J’entends mon ami lui dire que j’interprète le rôle de Jane dans Marie Tudor et je l’entends répondre qu’il aimerait venir me voir jouer. Bêtement, je souris. J’aimerais crier, lui avouer mon envie, mes souhaits, mes rêves mais je me tais.
Verso
Nous discutons de ma prochaine pièce avec Pierre lorsqu’une jeune fille entre. Elle est plutôt jolie mais je ne la connais pas. Pierre nous présente et me dit qu’elle joue Jane de Victor Hugo et comme j’adore ce rôle, je réponds quelque chose poliment. Elle rougit, c’est mignon !
Recto
Je quitte la pièce encore plus amoureuse, encore plus rêveuse, encore plus…
Verso
Je quitte la pièce avec Pierre qui continue à me parler de son amie mais je l’ai déjà oublié.
Nous nous sommes si peu parlé mais peut-être viendra-t-il me voir jouer, on ne sait jamais.
c’est drôle, c’est enlevé, comme tu dis « c’est mignon », c’est bête de rougir comme ça, tu nous ramènes irrésistiblement à l’adolescence, à l’image qu’on a des autres et à ces moments de vie où on a tout ce chemin à faire devant soi
salut à toi et merci pour cette jolie adaptation de la consigne, Clarence, j’adore…
Merci Françoise pour ton regard. Je l’ai écris si vite, je n’étais pas si inspirée et étrangement je vois qu’il suscite des réactions. En tout cas, c’est toujours bien de reprendre l’écriture ici et donne envie de poursuivre. Je lis tes livres tranquillement de mon côté.
ah Clarence, la vie est cruelle parfois, et les illusions tenaces… Un recto verso comme une partie de crêpes!
Une partie de crêpes, cela m’a fait rire, je n’y avais pas pensé. Mais c’est vrai ! et j’avais envie qu’on entende les deux voix de suite, qu’on les suive en même temps. Merci pour tes mots.
Oui cruelle l’indifférence masculine… face au tremblement de la passion… Merci Clarence
Merci Mickaël, l’indifférence tout court est cruelle même si dans ce texte il s’avère que c’est le garçon mais cela aurait pu être elle. Je pense qu’il doit y en avoir pleins des histoires comme cela avec des admirations non dites, non dévoilées, des amours que l’on cache, j’aime bien, c’est triste un peu mais ce sont comme des jardins secrets un peu. Je suis passée dans tes écrits aussi.
J’aime beaucoup, ces détails qui ne sont pas grand chose et qui prennent une si grande importance, une sensation à partir de rien ou presque. J’aime beacoup, merci.
Merci Jean Luc, oui c’est cela, un tout petit truc qui devient tellement important et prend toute la place. En même temps, c’est vraiment super et torturants ces moments secrets. Et si l’autre avait su, peut-être aurait-elle été déçue ? A bientôt dans nos écrits.
ç’aurait pu être nouvelle proposition, ce dépli avec alternance…
Merci de ton passage François, oui cela aurait pu et peut toujours !
L’amour est cruel, presque autant que l’adolescence. Joli, ce va-et-vient recto-verso.
Merci Philippe, tout petit texte, tout petit pas grand chose mais qui prend des proportions immenses pour elle. Merci pour les mots.
comme une danse et l’amour d’un pied sur l’autre qui fauche .J’aime beaucoup ces »alternances » du cœur ( en scène)
Oui comme une danse, c’est cela, merci Nathalie, à tout bientôt.
lecture tardive, mais dans le sillage des précédents messages : une danse, si petite, si grande ! merci