#rectoverso#4 Dans des pas trop grand pour soi

RECTO



Il marche vite le bougre avec ses yeux bleus, bien difficile de le suivre. Quelqu’un d’abord en avait parlé brandissant fièrement la pléiade avec la petite photo noir et blanc, mauvaise qualité. Ses grandes jambes et son visage fermé, aller là où ses pas le guident et se souvenir que là-bas, il fait souvent froid. Où ça qu’il fait froid ? Dans le nord, vers les Ardennes, frontière avec la Belgique. On n’en savait rien savoir d’abord. On faisait comme le copain. Aimer le grand marcheur aux yeux bleus, avoir une pléiade c’est classe, le papier bible, la dorure à l’or fin, tout ça, les conneries qu’on se raconte quand on n’en sait rien, on remplace une bible par une autre. Bien trop malin. On se laisse guider, initié par deux grands bidules, un peu dandy, avec les dents du bonheur et la mèche sur le front. Alors La Saison En Enfer, c’est vraiment son plus grand texte dit l’un. Ouais mais il y a pas de Saison sans le marcheur au poche troué et sans le Bateau Ivre dit l’autre ! Merde alors, on n’y comprendre rien. On rajoute toujours malin, ouais y’ a plus de saison ! Et les deux kabbalistes vous regardent l’air navré. Ils parlent hermétique, ils conspirent bien, formules obscurs sortent de leurs bouches, les yeux qui se gonflent, ils s’extasient les salauds, on en veut de cette came ! Reprendre le bateau, encore une fois, « Comme je descendais des fleuves impassibles….», « L’eau verte pénétra ma coque de sapin et des tâches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. »  Les salissures sur la coque… le bateau, c’est qui ? C’est lui ? La coque, sa peau? C’est beau, mais merde on n’arrive pas à voir au travers, à glisser en dedans, on reste à quai. On commence par faire semblant de croire en connaître quelque chose. Attendre et recommencer. On repart encore, on saute par dessus le bateau et entre dans la Saison. On se souvient avoir aimer les histoires d’église et de mystiques, toutes ses fables qu’on trouve pendant le siècle d’Hugo entre dévotion, folie, perdition et rébellion. Et les diables fascinants, les démons libérateurs, les jeunes filles perdues… Alors là jadis si on se souvient bien, sa vie était un festin où tous les cœurs s’ouvrait où coulait tous les vins, il y a dans l’incipit tout le 19ieme siècle… on pense quelque chose comme ça mais pas possible de le formuler, si c’était des idées fausses, il faudrait en savoir des choses pour dire ça. Puis le dire à qui ? On est une quiche, on aime Rimbaud, sans argument, par intuition, kabbaliste solitaire. On aime Rimbaud comme un buveur du dimanche déclare préférer le Bourgogne au Bordeaux, sans pouvoir en rien dire d’autre. En vrai de vrai sa mère, parfois on se dit que c’est du fétichisme et on s’aperçoit qu’on a pas lu grand chose, ou bien distraitement, sans faire exprès. Et le siècle passe et reste l’arpentage du même « je suis la vierge folle ». On décider de le dire, à s’en écorcher la bouche et on verra bien ce qu’il en sort. Et aussi danser le sabbat dans une clairière avec des amies sorcières et bivaquer dans le Morvan comme sous une nuit d’Allemagne….


VERSO

Tout sera toujours demi-achevé, ni fait ni à faire.
Par dessus le cheval d’orgueil, s’arc-bouter. Ne pas se mettre au pas. Hennir quand il faudrait parler et jacter comme un animal, ou se taire, avoir honte de sa voix et des mots qui la font entendre. Être à moitié s’est déjà pas mal quand on ne peut pas plus. La poésie sera toujours le marche pied du roman.

Qui le dit ?

Bruuuu ! Sait pas bien ! La voix qui n’ose pas. Oh, elle peut tout pourtant. Âne ne brait jamais à moitié. Et soudain trois deux un zéro galop et attraper au passage Elle est retrouver ! Quoi ? L’éternité ! c’est la mer mêlé au soleil. Mantra.
Ça commence sur le bout du bout du rivage du siècle, on va encore à l’église, on fait sa communion, on prie, on raconte encore les miracles et le bon Dieu qui guérit par l’opération du saint esprit, sans tonnerre ni fracas. Alors quand on tombe sur l’échalas, quand on voit passer le grand machin au yeux délavé, quand on vous dit que lui, c’est légende ce qu’il fait, on se met en arrêt. Il y a là tout l’humus encore odorant qu’on peut renifler avec délectation : des diables, du sang, du sexe, des bons mots et des palpitations et des révoltes et des intransigeances et plus encore, ça donne le hoquet, on s’en délecte, OK ! Marcher marcher marcher encore marcher mâcher mâcher user les semelles de cuir, de fer, de bois,

Aller ! Aller ! va, va donc ! va pied nu perdu, sur les chemins, éloigne-toi donc du bitume cabossé-usé, dur, âpre, brûlant en été comme la poix des bassines d’enfer !

Oui chercher chercher racler les lettres, les voyelles pour retrouver l’enfance. Qu’il vienne qu’il vienne le temps dont on s’éprenne. Faire l’idiot, le vrai plus bête que le Prince Mychkine, ras du tiroir, bien fracassé,
Tenir le pas gagné, s’enorgueillir de l’informe, si on trouve de la forme alors va pour la forme !

Fais un effort, relis, soigne tes citations, un mot ne suffit pas et cesse d’user de passages qui justifient ta paresse

Ah oui ! Mais ! qui a fais ma langue perfide tellement qu’elle est guidée et sauvegardée jusqu’ici ma mollesse

ma paresse

oui mais moi c’est mollesse
entrer en transe comme dans une boulangerie, boulotter les syllabes, les voyelles
comme petits fours saveur cannelle

horreur de ma bêtise

La consolation, elle est venue en tombant main en avant bras tendus sur
la maison dans la forêt du monde.
Alors bouche bée, commencer à lire à voix haute
et laisser larmes couler
j’étais quand
quand je t’ai regardé
enfant
La maison ou le monde
où je descendais à la cave
quand le jour était blanc et moi
cherchant le lait


dans la petite bibliothèque de campagne
reprendre la marche, traverser les chemins
juché en haut de l’échelle, reprendre un livre couverture cuir

L’Idiot

avons nous encore besoin d’un saint
à qui se vouer ?
je suis perdu

Redresse toi ! c’est la honte ici !

Non je veux pleurer comme du papier bavard
qui encore croira ma langue si même je désespère

Quel ennui, mais quel ennui !

Je n’ai rien fait, n’eus-je pas une fois une jeunesse idéale à jouer avec des feuilles d’or, par quelle erreur, ai-je mérité ma faiblesse actuelle ?