#rectoverso #10 | Le Parc-à-vue, le banc et l’arbre contre lequel pisser chaque soir

C’est un parc qui coche toutes les cases, les cases de l’attente du promeneur-touriste, écrin de verdure niché dans le presque centre de la ville, comme qui dirait, au cœur. Balade incontournablebeau panorama garanti à l’arrivéeprévoir trente minutes pour l’ascension-oui c’est un parc montant, un parc-sur colline,  on a du faire une moyenne de marche, éliminant les boiteux, les essoufflés et les acharnés de la course de côte en pleine ville – les plus tenaces étant néanmoins ceux qui empruntent l’escalier direct sans détour par le parc, pas le temps de contempler, chrono à challenger. Oui, pour le promeneur lambda, c’est pas mal, on peut s’y asseoir à intervalle régulier, les bancs sont en état, la ville a les moyens, on revisse parfois quelques planches, ni vu ni connu. 

L’œil scrute le banc, celui auquel personne ne prête attention, là au bout de la petite plateforme, c’est pour cela qu’il l’a élu, un peu décroché de l’ascension touristique, du flot impersonnel et bruyant. Son banc. L’œil y repère le moindre changement, la main tâtonne, vérifie, contrôle :   écharde naissante, clou vacillant, oui parce que ça change tout, la nuit, une écharde ou un petit jeu dans le sommier. L’arbre là-bas, c’est son compagnon de galère, son confident, quand il pisse contre lui, il lui fait un brin de causette, ça fait du bien. La journée pourtant il est un acteur comme les autres du petit parc bien comme il faut, il tient le rôle sans rien dire, l’arbre, et  les passants ne voient pas les traits de compassion qu’il y lit chaque soir en se confiant, en urinant sans vergogne, tant pis pour l’odeur, c’est son coin, il y dormira bien et personne ne le verra. 

A propos de Marie-Caroline Gallot

Navigue entre lettres et philosophie, lecture et écriture.

8 commentaires à propos de “#rectoverso #10 | Le Parc-à-vue, le banc et l’arbre contre lequel pisser chaque soir”

  1. il est bien ton gars, là, dans le parc
    ça me fait penser à Le Jardin clos, de Régine Detambel