#rectoverso #10 | peut-être

entre deux mondes on ne pouvait que flotter et perdre l’esprit ou s’effacer

comme une haie entre. Sans être une haie bien délimitée. Seuls des buissons et des arbres nains qui ne le seraient plus. Dans leur au-delà, la rue avec ce qui se vit dans une rue de lotissement. Pas grand-chose. Un passant, une voiture, une camionnette de livraison, des cris d’enfants. Cela on l’entend, on le devine, on le suppose. C’est suffisant.

l’œil myope ne voit que des surfaces indistinctes les unes des autres. Tout s’emmêle. On est dans l’incertitude d’un réel que l’on connaît. On se relie au monde de l’invisible. On se complaît dans le flou.

tout est vert, décliné en différentes tonalités du plus clair au plus soutenu. De larges feuilles oblongues de bambou, des épines de pin, la bougie du cyprès, la bruyère au sol en attente de floraison. Plus haut sur le talus du jardin, les branches d’un sapin caressent le ciel.

entre deux certitudes, dans l’espace indéfini où se tenir, on sait qu’il y a quelque chose à voir. A-t-on vraiment l’envie de voir ce réel. Au matin, capter le flou, ne saisir que des bribes de sens. Entrer lentement dans le jour.

quelque chose bouge dans le gros buisson, cela remue, ferait penser à un coup de vent, mais il n’y a pas d’air ce matin. L’issue est ambiguë : chat, oiseau, souris. Tout est possible. Rester dans le doute, dans ce moment de non-savoir. C’est à l’imaginaire de prendre le relais. Évanescence .

dans le domaine du caché, de ce qui ne se révèle pas, dont on n’est pas sûr. Un lavis de ce qui voudrait bien émaner mais qui n’y parvient pas. Et la dérive du rêve qui prend la main quand tout s’estompe.

le calme à nouveau. L’immobilité trompeuse quand on pense que rien ne se passe. Et pourtant cela remue, cela grouille au sol, et dessous. Sur les branches hautes aussi, mais on ne sait rien. On entend l’envol d’un oiseau que l’on n’aura pas vu. Plus loin cela pépie. Dans la rue, une autre densité celle d’une voiture au moteur défaillant, et l’aboiement d’un chien : peut-être un passant qui passe.

se sentir dans un autre espace, un autre temps aussi, cela va ensemble dans cette suspension de ce qui est. Dans ce savoir qui se fait autre, qui n’appartient à personne d’autre. Voir flou comme un passage vers un autre versant, celui sans rupture de l’ici et de l’ailleurs

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

5 commentaires à propos de “#rectoverso #10 | peut-être”

  1. un décalage, une mise à distance, un monde parallèle, et même un « autre espace »…
    « Et pourtant cela remue, cela grouille au sol, et dessous. Sur les branches hautes aussi, mais on ne sait rien.  »
    une façon d’éviter de… s’envoler ou s’embourber…
    de toute façon le regard fait bien ce qu’il veut !

  2. nuances de couleur du végétal et nuances de son de l’animal… que de vivant !

  3. C’est un très beau texte, qui fait entrer dans un décor en déplaçant la focale, en changeant les mises au point.