
1 – Voir
on y pénètre en poussant un portillon à deux battants si bas qu’une personne agile, un enfant, pourraient l’enjamber,
mais il fut un temps pas si lointain où les enfants ne venaient pas ici pour jouer,
il a été dessiné sur l’emplacement d’une ancienne prison qui fonctionna à plein régime entre 1836 et 1973,
les deux guérites qui encadrent l’entrée sont d’époque,
c’était une prison pour mineurs, rappelle une plaque commémorative sur laquelle on lit qu’entre 1836 et 1929, « en ces lieux furent détenus dans des conditions inhumaines des milliers de jeunes âgés de 7 à 21 ans »,
entre 1940 et 1944, y furent à leur tour retenus des internés politiques, surtout des femmes, 4000 résistantes comme indiqué sur une deuxième plaque commémorative, la plupart déportées ensuite vers les camps d’extermination,
à l’angle des rues de la Roquette et de la Croix-Faubin, le passant curieux remarquera cinq dalles rectangulaires en granit encastrées dans le sol,
elles servaient jadis à dresser l’échafaud à cet endroit où s’élevait la prison de la Grande Roquette sise entre les rues de la Roquette, Gerbier, de la Folie Regnault et La Vacquerie,
c’était une prison réservée aux condamnés à perpétuité et aux condamnés à mort,
entre 1851 et 1899, plus de deux cents personnes furent exécutées ici parmi lesquelles des militants anarchistes,
la prison a été démolie en 1900 mais les dalles de la guillotine ont été conservées.
Le square de la Roquette est bordé par les rues Duranti, Servan, Merlin et la rue de la Roquette elle-même qui le longe dans sa montée vers le boulevard de Ménilmontant. Face à l’entrée principale, côté rue de la Roquette donc, une fontaine Wallace où les habitants du quartier et les touristes se rafraîchissent pendant les fortes chaleurs de juillet. On est au cœur du Paris révolutionnaire et des révoltes ouvrières du XIXe siècle. Tout autour, aujourd’hui, non plus des barricades mais des cafés aux terrasses bigarrées où les gens s’attablent pour prendre un verre après le travail à l’ombre des platanes en été.
Le square en lui-même est composé de parterres de fleurs et d’allées ombragées,
des bouquets d’essences, érables blancs, planes, négundo et sycomore, marronniers d’Inde, arbre à soie, bouleau verruqueux, cèdre du Liban et cèdre de l’Atlas, épine blanche aux fleurs blanches, olivier de Bohème, eucalyptus, arbre à miel, copalme d’Amérique,
sur les bancs, quelques personnes discutent à voix basse,
dans les allées, des mamans promènent leurs bébés,
il y a deux aires de jeu pour enfants et un espace aménagé pour la pratique du sport où on joue essentiellement au basket,
au centre du parc, une fontaine en cascade bordée de palmiers, c’est la principale attraction du lieu, on vient y goûter volontiers la fraîcheur qu’apporte la circulation de l’eau,
la tour carrée aux allures de pagode coiffée d’une toiture bleue fait la joie des enfants qui grimpent à l’intérieur par un système d’échelle de corde et peuvent se laisser ensuite glisser jusqu’au sol par un toboggan en forme de boyau.
2 – Sentir, entendre, toucher
une impression, un sentiment mais diffus, l’œil sent, une atmosphère de quiétude, odeur encore prégnante de la pluie du matin, fragrances printanières,
le ronronnement des véhicules circulant dans les rues adjacentes mais lointain, un continuum étouffé par le feuillage, l’œil entend, les cliquetis que produisent les pelles-bêches de trois jardinières affairées dans les parterres quand elles s’entrechoquent ou rencontrent un obstacle métallique, le rebond d’un ballon de basket sur le revêtement,
la froideur métallique du portillon, la douceur d’une écorce, le frémissement dans les reflets de l’eau de la fontaine, l’oeil touche, l’herbe encore fraîche, la surface lisse du banc de bois,
les caresses du vent






Je vais conserver le lien vers votre texte, pour lors d’un prochain séjour parisien le relire in situ. On ressent tellement à la lecture l’épaisseur historique du lieu.. ressentir aussi l’atmosphère, dit par les mots et les photos
Merci pour votre lecture. Ce texte dit juste des impressions personnelles, les notes contextuelles sur l’histoire du lieu ont été tout simplement prélevées sur les plaques commémoratives comme indiqué mais aussi sur les panneaux « Histoire de Paris » comme on en trouve partout dans la ville. J’espère que ma « lecture » du square ne fera pas obstacle à vos propres sensations et impressions. En espérant que vous aurez à votre tour envie d’écrire « votre » square de la Roquette ! Et moi de vous lire en retour !
Merci pour ce square, et son passé, et toutes ces essences ne pouvant gommer ce passé mais y apportant une respiration. J’ai connu cette prison, entre pré-ados on disait que c’était la prison des femmes, j’avais remarqué que les murs étaient moins hauts qu’à la Santé (prison des hommes) mais couverts de bouts de verre pointés vers le haut. J’y retournerai. Merci, les photos sont belles.
J’aime comment le verso revisite le recto (épais d’époques et de drames notamment) à travers les sens et l’attention au présent, avec douceur et délicatesse.