À ce stade de la nuit, les morts se réincarnent dans le chœur des grenouilles. Elles coassent dans la cascade et ne sont plus les peureuses du jour. La plaintive récitation des petites filles mortes nées commence par un bégaiement de o. Un son de coque, de cloque. Puis une ébullition. D’abord de i. De filles puériles. Et de u. Un Jupiter pur. Je m’assois dans la vérandah pour voir les Portes et les Trivoies. Je connais. Moi aussi. Pas les étoiles. Le chant des grenouilles. Le chœur ininterrompu des rainettes. Je connais. L’élocution puérile. Les morts. Les enfants morts nés. Les grenouilles. Le chœur. Je connais. La coque des clovisses. Jupiter pur. Par une nuit si calme. À la vérandah. Ne plus voir les étoiles. Entendre les morts. Les chants. Jupiter comme un veau d’or. Ne plus voir. Entendre le chœur des morts. Goûter la nuit. Oublier la mer pour toujours. Retrouver les défunts. Saler la montagne.
Voix de Claudel
Tu crois comme les Peaux Rouges.
Moi
Les Peaux Rouges sont loin.
Voix de Claudel
Tu as étudié les mœurs des grenouilles ?
Moi
Elles montent elles aussi du fond de la nuit par pelotons.
Voix de Claudel
Prends garde à ne pas idolâtrer les morts.
Moi
Je me garde des morts et encore plus des vivants.
Voix de Claudel
Méfie-toi du Jupiter pur et vert, de l’orgueil des fanatiques.
Moi
Rien d’intrus ne dérangera mes songes.
Voix de Claudel
Si tu disposes le grand miroir devant la nuit, tu n’auras plus jamais besoin de la mer.
Moi
Et la montagne sera salée.
Voix de Claudel
Oui. Et la nuit aussi calme.
codicille : variation à partir d’un poème de Claudel « La nuit à la vérandh » dans Connaissance de l’Est. Assez obsédant.
ambitieux ! et quelques beaux souvenirs de nos mardis !
oui des exercices qui proposent des pistes fructueuses.