#rectoverso #14 | Cénaclières, droits des femmes, droits… aux abeilles 

Nous ne sommes que les transcripteurs. Les archives sont incomplètes. Ce qui reste se tient en fragments, comme mâchés, recrachés. Un fil persiste cependant, ténu : l’abeille.

1856–1872 : cercles féministes en effervescence. Eugénie Niboyet écrit et publie à Lyon. André Léo milite, participe à la Commune, note des récits de femmes effacés depuis. Julie-Victoire Daubié devient la première bachelière en 1861. Dans la marge d’un cahier attribué à Léo, une mention isolée : « essaim noir au-dessus de la verrière ». Image ou rumeur, nul ne sait.

2021–2025 : forums fantômes, serveurs effacés, squats de banlieue. Cristal_Cendre, L. F., la photo tremblée des vingt-sept. Un texte inachevé, Les Abeilles vues de loin. Un titre emprunté à Cyrulnik circule comme mot de passe : Quand on tombe amoureux, on se relève attaché.

2036–2041 : âge des ruches. Aube M. enregistre les vibrations des colonies comme poèmes. Nor Do devient collectif déclaré, les ruchers-archives se multiplient : bibliothèques vivantes où l’on dépose le pollen des textes. Les enfants sans prénom refusent toute signature.

2880–2899 : ère du verre brisé. Noms perdus, Archiviste-ombre. Tout fragment devient œuvre. On projette des hologrammes incomplets appelés « alvéoles de verre ». Les chercheurs hésitent : traces d’abeilles anciennes, ou invention tardive pour habiller le vide ?

Et pourtant, phrases en suspension elles volent toujours.  Elles ne font pas de miel, elles déposent des fragments de mots dans nos bouches. Elles traversent les siècles de nos corps. Chaque battement d’aile écrit, efface, réécrit. Et peut-être qu’à la fin, quand tout sera effacé, ne resteront que leur vibration : archive sans auteur, ruche infinie, continuum du temps qui écrit à travers nous.