Choisir…
Facile à dire, il y a qu’à. Difficile en vérité. Tant de chemins, tant de lieux, tant de mots, tant de langues, tant de jeux, tant de passions…
Écrire …qu’est-ce que je choisis ?…avec passion ?…entraînée irrésistiblement ? Ce qui est sûr ce que je suis accro, sinon j’aurais abandonné depuis longtemps. Pour le reste, je flotte, je cherche, j’ai des bouts, des fragments, des pistes, des envies, des appréhensions, des freins…
Oser mettre en scène les sujets, événements, faits divers, comportements humains, portraits, personnes, familles qui ne pardonneront pas d’être exposées… Pourtant, quel merveilleux terrain, quel jardin en friche…
la famille en héritage, celle d’il y a cent ans qui ne pourra plus se défendre, mais que tu connais mal, il faudrait inventer, spéculer, amplifier, aménager…
la famille de ton enfance, sujet délicat, il y a des témoins, ceux qui ont vécu la même chose que toi, mais qui n’ont pas les mêmes souvenirs, et qui, parfois, ont des souvenirs plus fiables que toi, c’est prouvé et ça fait mal, comment raconter un évènement, quand on est sous contrôle…et pourtant l’échange fait émerger des anecdotes, des éclairages, de l’histoire qui pourraient faire une histoire…
la famille que tu as créée, fabriquée, façonnée, que tu aimes qui t’environne qui te berce qui te préoccupe qui prend une grande place, une très grande place et que tu ne choisiras pas parce que c’est trop compliqué…
Alors, parlons d’autres choses, autrement…
inventons des histoires, des nouvelles, inventons des lieux, enjolivons, dramatisons…
mais inventer aussi, c’est difficile,
alors décrivons, ça, je sais le faire, alors je décris mon paysage d’ici, mon paysage de là-bas, antithèse campagne ville et là aussi c’est difficile de choisir, alors ça s’emmêle, ça se marie et ça se sépare, et alors je cherche des sujets qui ne peuvent pas se défendre, je décris les ciels, les nuages rouges et violettes, les orages et les pluies, les odeurs et les couleurs, et puis je peins la mer et les vagues en mouvement, et je foule de mes pieds le sable chaud, et puis je goûte l’eau de la source et la tomate du jardin, et je n’oublie pas les grandes tablées dans le jardin avec le vrai saucisson et le fromage du pays, avec le pain frais sortant du four du boulanger au parfum de levain et de cumin, et je rajoute les sourires et les rires et des larmes et un peu de mélancolie, quelques chansons françaises magnifiques qui m’accompagnent encore, quelques notes de musique, des sons de piano, mais aussi d’harmonica et de saxo, du jazz pour faire swinguer le cœur, et des valses pour faire danser ma ville lointaine…
Quel imbroglio…comment choisir…que faire avec tout ça ?
Il faudra choisir, structurer, trouver des titres, des noms, des lieux, des faits, des mots, des choses, faire des chapitres ou pas, apprendre le temps, le rythme, la musique, sentir le trop ou le pas assez, relire, revisiter, repenser, restructurer…et résister jusqu’au bout, jusqu’à la finale
Et quand tout est posé, envisagé, manipulé, secoué, qu’est-ce qui reste? Un creux, une faille, une mélancolie lancinante, un « tu aurais pu, mais tu n’as pas fait! », une faiblesse, un évanouissement devant l’exigence…