Histoire de la fillette à l’oeil crevé
Histoire de celui qui a crevé l’oeil de sa soeur et qui passe à cheval
Histoire de la cartouche trouée passée à un cordon de cuir
Histoire de la grand-mère aveugle qui écosse des haricots dans la pénombre de la cuisine
Histoire d’une cabine de poste dans une encoignure de cuisine
Histoire d’une mère à la voix méconnaissable
Histoire d’un maçon voisin d’une polonaise
Histoire d’une vieille dame descendant remplir sa bouteille à l’eau fraîche de la source
Histoire de jeux d’eau dans un lavoir
Histoire d’un homme qui bat sa femme
Histoire d’une épouse partie se noyer
Histoire d’un citadin portant jambières et panier de pêche
Histoire de cerises dérobées et de regard réprobateur
Histoire d’une chute dans un champ d’orties et l’odeur de l’eau de Cologne
Histoire d’une vipère devenue omniprésente dans les récits, les promenades, le port de bottes en été, le sérum dans le réfrigérateur, les herbes tapées à coup de canne
Histoire de scouts visibles par les seules latrines
Histoire de pot au lait, de fraises de bois, de vaches et de moutons
Histoire de prés, de couverture, de sauterelle et de lecture
Histoire d’odeur de cigarette
Histoire de fenêtre, d’étage et d’idée de suicide
Histoire de chambre, de lits, d’armoire et de clown en plâtre
Histoire de route nationale et de bornes rectangulaires blanche et de bornes capuchonnées de jaune
Histoire d’une 403 couleur olive et Klaxon au centre du volant
Histoire du tour de France, d’une chaise en Formica devant un poste de télé en noir et blanc et des noms, des expressions étranges, drôles, exotiques ( maillot jaune, lanterne rouge, maillot vert, Poupou)
Histoire d’une cave avec machine à laver à antenne montée sur caillebotis, cannes à pêches, bâtons et cannes, froidure et odeur de salpêtre
Histoire d’une femme élevée à la campagne et enfermée entre quatre murs d’une maison de ville
Histoire d’un homme qui se prétend affable et dont l’épouse dans son dos dit pis que pendre
Histoire d’un enfant assigné à tenir le rôle d’un père qu’il n’a pas connu
Histoire d’un racisme de langue
Histoire d’un ressentiment
Histoire d’une culpabilité
Histoire d’une fratrie au drôle de nom et visages chevalins
Histoire de deux gamines s’inventant un univers où les fleurs deviennent perroquets, les escaliers de pierre chemins vers le ciel, les cailloux cimetières, le citron encre secrète, le mur cachette
Histoire d’un chien nommé Sauvé
Histoire de troupeaux de moutons menés au pré
Histoire de dessous d’escalier devenu cabane
Histoire d’oeil à travers trou dans plancher en bois permettant d’épier le monde sans soi
Histoire de chaînette et tricotin, de napperon crocheté, d’ouvrage
Histoire de femme soumise, histoire de lâcheté, de peur, de dépendance financière
Histoire d’un hameau
Histoire d’une folle, peut-être pas si folle
Histoire d’un marché avec vente d’animaux vivants
Histoire d’une vie de rituels, de marché du jeudi et de messe du dimanche
Histoire d’une poste qui dessert le moindre hameau, d’un facteur dont la visite raccroche au monde, du journal local qu’il amène chaque jour, de l’attente de sa venue, du bruit du moteur de la camionnette jaune
Histoire d’une chute, d’un mensonge, d’une amnésie
Histoire d’un ailleurs sous silence, d’une soeur isolée également, d’enfants séparés
Histoire d’un accident, de sang, de répulsion, d’une gamine confondue avec un fou, un vagabond, une gamine volubile, surgie au milieu de la route, arrêtant la voiture, un frère, un père en contrebas, morts peut-être, une gamine qui n’a pas peur des inconnus, de parler, d’arrêter vélos, voiture, parce qu’en bas, la voiture d’où elle s’est extirpée, et son corps égratigné, et le sang sur sa peau, sur sa robe.
Histoire d’un article de journal à l’existence et aux propos douteux, rassurants, mais est-ce vrai? Et jamais ne le savoir.
Histoire de fermiers et de trois générations vivant ensemble
Histoire de cours d’eau
Histoire de perruches confondues
Histoire de temps long
Histoire de trois soeurs et d’une correspondance hebdomadaire
Histoire de mots : se récater, maï bé, Trinco- tranco, marca-mal se passeja
Histoire du rejet de l’étranger, histoire d’une revanche, histoire d’un regret qui ne se saura pas
Histoire où il ne se passe pas grand chose, histoire du rien à faire, histoire du temps qui s’étire, du personne, du silence, de la répétition
Histoire qui ne fait pas une histoire
Oh la la ! Que d’histoires pour faire une histoire. Il va falloir faire un tri.
En réalité, sous la pluralité apparente, que du très classique. Un temps, un lieu…
Histoire d’une épouse partie se noyer, une histoire vraie; une histoire que l’on m’a raconté. Un jour d’été, en pleine journée, elle est allé à la plage près de chez elle, et elle a avancé, elle était aveugle, une histoire terrible.
Là c’est tout un monde
Merci Laurent et Huguette!
L’odeur de l’eau de Cologne, rien que ça, ça fait remonter des souvenirs.
Mes coups de coeur : la grand-mère aveugle qui écosse les haricots dans la pénombre de la cuisine, les jeux d’eau dans le lavoir, les cerises dérobées, la sauterelle, l’odeur de cigarette, le poste de télé en noir et blanc, l’oeil à travers le trou dans le plancher en bois pour voir le monde, le dessous d’escalier devenu cabane.
On voit, on entend, on sent, on imagine… et l’envie de lire les histoires à venir… des dialogues peut-être.
Des histoires graves, dures, mais aussi des histoires pour adoucir le monde, s’en amuser, le rêver.
Beau.
Réussi !
Merci.
Ce que j’aime dans ta suite d’histoire, c’est que les énoncés mêmes font histoires (Histoire de scouts visibles par les seules latrines). Il suffit de s’arrêter sur une seule idée d’histoire pour y plonger (Histoire de deux gamines s’inventant un univers où les fleurs deviennent perroquets, les escaliers de pierre chemins vers le ciel, les cailloux cimetières, le citron encre secrète, le mur cachette). Et quand on reprend la liste, l’enchaînement des images fait un film à la fois chaotique et poétique (Histoire de temps long). Merci pour ça.