#histoire #03 | au café du village

Dans l’air étouffant du café, l’air vibre soudain. La voisine, les bras au ciel, ses yeux vacillants, annonce le retour de celui qui avait disparu depuis vingt ans. Ses cheveux gris sont ébouriffés. Ses vêtements, noirs et amples. Dominante : agitation.

Le cafetier, renfrogné selon son habitude, fronce les sourcils et soupire. Sa tenue est négligée et ses cheveux sont gras. Ses mains lourdes sont posées sur le comptoir. Dominante : caractère difficile.

La cafetière, le cou tendu, passe ses mains sur ses cheveux châtain ramassés en chignon, s’approche au plus près de la voisine pour capter le moindre de ses mots, happe son attention. Dominante : avidité d’informations intrusives.

Leur fils, aux cheveux filasses, avec un jeans tout troué, l’air hébété, comme s’il sortait de son lit, fredonne. Il flotte dans un monde où rien ne semble l’atteindre. Dominante :  absence, solitude un peu sauvage

Leur fille, jolie brune aux cheveux tressés, une cigarette collée au coin de sa bouche, n’écoute rien. Les yeux éperdus, ailleurs, elle est peut-être amoureuse. Dominante : détachement

Le maire, petit mais au visage imposant, plein d’ambition, visible par le port de tête essayant de paraître informé de tout, ses yeux cherchant toujours l’approbation d’un public qui ne l’écoute pas. Dominante : frustration

Le viticulteur, tient sa tasse de café de la main gauche, ses doigts tremblent. Ses cheveux noirs sont coupés en brosse. Il hausse les épaules en marmonnant des mots incompréhensibles. Dominante : inquiétude

Le deuxième viticulteur, d’âge mur, lit le journal. Ses cheveux sont gris. Il porte un béret. Il vient de lever la tête. Dominante : indifférence

Le troisième viticulteur, se lève et se rassied en un mouvement rapide, puis il ricane. Il porte un bracelet tressé au poignet droit. Ses cheveux sont mi-longs. Dominante : rébellion par réflexe

L’employé de mairie, discret, cheveux bien coupés, un pantalon gris, une chemise bleue. Il est originaire du nord. Il ne sait que penser de ce qui vient d’être annoncé. Sa réputation, allergique au mensonge ; il ne sait que faire de ce retour. Dominante : perplexité

Le boucher du village est grand et musclé. Il a des lunettes partiellement cachées par une mèche de cheveux. Il porte une chemise à carreaux bleus et blancs. Il tient un verre de vin rouge à la main. Il a bien connu le revenant lorsqu’il était un enfant. Dominante : attention et émotion

Le boulanger, ventru, la farine encore collée à ses tempes, la chemise grise et ample, le pantalon flottant, boit un café. Il semble exténué par une nuit de travail. Un pâle sourire sur les lèvres. A-t-il entendu l’annonce de la voisine ? Dominante :  extrême fatigue

Le musicien du village a un nez fort long. Il a un toc. Il tape la table avec son majeur droit comme s’il battait la mesure. Il est là sans être vraiment là. Dominante : esprit ailleurs

Le facteur de passage en uniforme, le visage rougeaud, il est tout ouïe, il connait bien la famille, lui aussi attendait les lettres du disparu. Dominante : confiance

La femme aguicheuse a une bouche sensuelle, elle tient ostensiblement une pochette en strass, son poignet gauche est cerclé de sept bracelets multicolores. Elle essaie de se tenir bien droite avec un léger pencher en avant révélant son décolleté profond. Dominante : narcissisme

La femme de ménage, avec sa queue de cheval et son tablier à carreaux, prend une courte pause en s’emparant d’un verre d’eau. Elle doit reprendre au plus vite son travail mais essaie de ne pas perdre le fil de l’intervention de la voisine. Ses rides de sourire lui donnent une expression apaisante. Dominante : gentillesse

Le simplet du village, vient tous les jours au café, il n’a pas bien compris ce qui se passe, il est selon son habitude mal rasé et garde continuellement le sourire aux lèvres. Il porte une salopette marron et un pull gris. Semble toujours heureux de ce qu’il vit. Dominante : bonheur permanent

Le livreur de bière, aux cheveux longs, au tee-shirt et jeans moulants, ne comprend pas ce qui se passe. Il écarquille les yeux en déposant au sol ses cageots de bouteilles. Il est en retard déjà pour sa tournée. Dominante : stress

Le curé apostrophé par la cafetière, entre dans le café, vêtu d’un costume noir, il s’étonne de ne pas avoir été le premier informé, ses yeux clignotent sans cesse. Dominante : agitation

Le touriste, barbu, pull bleu marine, lunettes de soleil relevées sur le dessus de la tête, insolent, déploie un geste vif de la main pour signifier que cette agitation l’importune. Dominante : certitude de supériorité sur les autochtones

La touriste, grande et grosse créature, aux cheveux décolorés et parlant fort. Elle porte une robe fleurie, elle voudrait en savoir plus, intervenir mais personne ne s’intéresse à elle. Dominante : malaise

Dans ce vacarme de voix, de gestes, d’expressions dominantes, la nouvelle plane dans toute sa lourdeur et ses attentes.

A propos de Huguette Albernhe

Plusieurs années dans l'enseignement et la recherche. Passion pour l'histoire de l'écriture, la littérature . Ai rejoint l'atelier de FB en juin 2018, je reste sur la barque même si je disparais de temps en temps

6 commentaires à propos de “#histoire #03 | au café du village”

  1. Merci, je me suis bien amusée de cette chronique villageoiseenlée, pointue, moqueuse et tendre. J’ai bien ri. Evident que tu as triché ( pas scène réelle) mais je m’en fous.