Je le suis sur les pavés humides de la place, ses pattes frappant doucement la pierre. Une vibration traverse son corps et rejoint le mien, tout le village respire à travers lui, tintement de mémoire. Le parfum du pain chaud monte des fenêtres, mêlé à celui de la rouille des grilles et des herbes trempées. Il s’immobilise un instant oreilles et membres aux aguets, sur sa rétine un mouvement invisible. Je reste fascinée par la patience de cette connaissance muette. Il repart à la découverte des mystères.
Nous suivons le chemin de terre derrière les maisons, ses coussinets froissent la poussière et soulèvent effluves et racines. Il ralentit le museau dirigé vers un trou dans le fossé, je marche à ses côtés fasciné… c’est là qu’elle passe en vélo, une silhouette de pluie qui glisse entre les flaques et que nous suivons comme une phrase inachevée… Il repart frôlant les herbes et nous franchissons l’arche du vieux moulin, l’air humide colle les graviers à ses pattes. Il avance captif des odeurs de bois et de vent entre les planches. Il s’arrête se couche tête basse lisant le rythme ancien du lieu, suit-il une voix souterraine ? se relève s’avance vers l’ombre où nous disparaissons.
Le matin pèse encore, le long de la rivière les cailloux glissent sous nos empreintes, il explore l’eau, les algues, la vase, les poissons, ce qui vit dans la lenteur des rêves. Il écoute les histoires échappées des buissons.
Ici, le jardin derrière l’église, terre, racines, fleurs écloses, les feuilles s’écrasent sous nos pas, le goût de la mousse monte jusque ma gorge, il s’y couche et se relève mêlant tout ce qui vivant, respire. Il contourne une vieille souche s’arrête face au trou noir dans le tronc et son regard s’enfonce dans une eau profonde, un miroir où le temps se penche pour se reconnaître.
Nous rentrons sans parler, ici l’air retient une odeur de linge, au salon il s’assoit fixe la chaise vide pendant que la lumière caresse son pelage il se lève s’ébroue et vise la porte entr’ouverte.
Le trottoir brille encore de pluie, les fenêtres reflètent des fragments de ciel il marche sans laisse et traverse les ruelles sans perdre la mesure du monde.
Belle et fraîche promenade, accompagnée de cette présence animale. Tous les sens à l ‘affût nous font découvrir les lieux naturels et poétiques au fur et à mesure de la marche. « Il contourne une vieille souche s’arrête face au trou noir dans le tronc et son regard s’enfonce dans une eau profonde, un miroir où le temps se penche pour se reconnaître ». Merci
Merci Carole, les balades journalières d’une petite dizaine de kms me font de bien même si je n’ai pas de chien dans la vraie vie, c’est peut-être ce qui m’a incitée à l’inventer ?
Tout comme Carole, j’ai aimé goûter à cette promenade belle et fraîche.