Les voir d’Adrien / #histoire #07

A. voit la perspective montante de la rue Lavoisier, avec une légère brume à l’horizon, comme s’il y avait, au-delà, la plage d’Argelès où ses cousins peuvent aller si souvent…

A. voit la grande flaque qui reste au pied de la borne à eau, d’un côté l’irisation qui pourrait le faire rêver et de l’autre la tâche un peu huileuse qui ramène aux questions troubles de la vie…

A. voit venir le docteur Pujos, avec son manteau trop épais pour la saison, avec sa grosse mallette, qui contient sans doute trop de choses pour ce qu’il a à faire dans les maisons du faubourg, d’ailleurs il sue…

A. voit ce camion qu’on appelle « le premier camion », stationné dans la rue qui descend de la petite laiterie, il voit les pneus plus larges que ceux des charrettes, les nervures de lait qui descendent, ne se contentant pas de faire fourche à leur contact, elles font de petits lacs…

A. voit la grande flamme qui vient d’embraser le fichu de la petite Berthe au moment où Bayle, l’un des porteurs de la retraite aux flambeaux, a abaissé maladroitement le sien…

A. voit ce grand échafaudage qui enjambe la rue, d’habitude les échafaudages se contentent de s’appuyer à une façade alors A. prend tout le temps de regarder ce que les maçons vont faire là…

A. voit les deux hommes consternés, les mains sur les hanches et au milieu de la rue le sommier aux lattes de bois éclatées lors de la chute, d’ailleurs la corde rompue pend encore de la poulie…

A. voit qu’on va construire quelque chose sur le grand terrain vague qui fait face à l’école du faubourg, il a de quoi se demander si ce sera encore une usine ou un magasin mais ce serait vraiment trop grand pour ça…

A. voit l’homme s’enfuir très vite alors qu’il a passé l’angle de la rue et que résonne encore les paroles étranges qu’il a prononcées, qu’il a dû dire à cette femme inconnue et qui reste là, comme pétrifiée…

A. voit une pomme bossue qui est restée sur le bord du caniveau, après la fin du marché de la place Béteille et il voit encore que personne ne rôde à proximité, qu’il pourrait bien la prendre…

A. voit les deux gendarmes frapper à une porte de la maison construite toute contre le remblais de la grande voie ferrée, il voit le visage du jeune, crispé, et celui du vieux qui a l’air tellement triste…

A. voit la branche du châtaignier qui est prête à passer par-dessus le mur de la pépinière Daydé, encore un an et peut-être que des châtaignes tomberont dehors et qu’il pourra en ramasser…

A. voit son copain Nunu tout excité en sortant de l’impasse parce qu’il a entendu que le Président de la République va venir inspecter l’impasse mais A. voit bien qu’on a encore fait croire à Nunu à quelque chose qui ne sera jamais possible…

Une réponse à “Les voir d’Adrien / #histoire #07”

Laisser un commentaire