43. Histoire du ballon qui casse la vitre du voisin
Ivan
Le ballon est parti tout seul, c’est pas possible que je jette le ballon aussi haut. Je sais ce que j’ai fait, j’ai tapé dedans et peut-être, c’est vrai, j’ai un peu visé la maison du voisin parce qu’il m’énerve à nous observer derrière son rideau mais c’était pour rigoler, c’était sur le bas du mur, Alexis devait arrêter le ballon, au pire le ballon aurait frappé juste le bas du mur. Là il est parti haut, très haut et je sais même pas comment c’est possible, il a cassé la fenêtre du voisin, en haut de la maison. Ca a fait un gros bruit dans la rue. Je suis resté comme une statue, j’ai vu la tête du voisin passé par la fenêtre et je suis resté comme une statue. Si je bouge pas, on me voit pas. Alexis m’a appris ça. Dans la forêt. Si je bouge pas, on me voit pas. Je crois que j’ai envie de rire mais je crois qu’Alexis il va pas rire du tout, il va pas rire du tout si je récupère pas son ballon. Si je vais dans la maison du voisin je vais me prendre une gifle. Mais si je rentre sans le ballon, je vais me prendre une gifle. D’un côté ou de l’autre de la rue je vais me prendre une gifle.
Alexis
Ca a éclaté d’un coup. Bam. Les vitres. La vitre. La vitre a été soufflée. Le bruit m’a fait sursauter et j’ai vu le visage rouge du voisin passer par le trou dans le mur et crier des choses que je comprenais pas. Ivan avait l’air bête, sur place, avec une jambe encore en l’air. Papy Joseph va nous tuer. Le voisin va nous tuer. Tout le monde va nous tuer. Ivan m’énerve, il faut toujours qu’il fasse des conneries. Qu’est-ce qu’il a été taper ce ballon aussi haut ? Et puis depuis quand Ivan sait taper aussi fort sur un ballon ? Bon je ne lui dirais pas qu’on en a déjà soufflé un paquet des vitres avec les gars quand on avait son âge. Mais jamais des vitres aussi hautes. Je crois que j’ai un peu envie de rire, surtout de la tête d’Ivan avec sa bouche ouverte qui bouge pas. Je sais pas combien de temps il va tenir comme ça. Ca me rappelle des souvenirs. Je ne sais pas si il faut que je le prenne par le bras et qu’on parte en riant ou si je dois l’engueuler.
Myrrha
Le ballon est parti. La vitre éclate. Le ballon est parti comme si quelque chose le poussait. Mon ventre se serre. Les autres rient ou courent. Alexis crie. Je devrais courir? Il y a eu quelque chose dans l’air. Je l’ai senti. Le ballon a été comme soulevé et poussé par une main invisible. Si on était des oiseaux, on pourrait s’envoler nous aussi. Quelque chose cloche. Comme si l’air vibrait. Je cherche les doigts d’Andrea.
Andrea
Ivan ! La fenêtre a éclaté d’un coup. Comme si le ballon était poussé par quelque chose. Le voisin n’est plus à la fenêtre. Il doit être en train de descendre en courant ses escaliers pour attraper Ivan. Ivan qui ne bouge pas. Alexis crie des choses aussi. Peut-être que… peut-être que si j’entre dans sa maison en le bousculant quand il sort, pour récupérer le ballon il ne pourra pas courir après Ivan et après moi ? Je n’ai jamais été chez le voisin. Je n’ai jamais été chez quelqu’un d’autre. Maman ne veut jamais. La porte claque et je me mets à courir vers chez le voisin.
Le voisin
Ah merde ! Comment c’est possible ? C’est quoi ça ? Quelle bande de petits cons. Les gosses de Joseph, toujours eux ! Il les éduque pas, trop occupé par sa moustache. Il leur passe tout depuis que le Vent a embarqué leur père. Je remonte mon pantalon de travers, je glisse dans les escaliers pendant que derrière la vieille me crie que c’est pas grave, que c’est que des gosses. Ils vont voir ce qu’ils vont voir.
Papy Joseph
Le vent est revenu…
