Le voyage était long, très long. Des kilomètres à avaler en voiture. Des montagnes à traverser, des autoroutes pour aller plus vite, des lacs à longer, des châteaux à admirer au passage. Fatigue, lassitude et aussi excitation. C’est encore loin ? Pourtant, ils connaissaient la route, ils la faisaient une ou deux fois dans l’année. Encore la montagne, encore des lacs, l’autoroute, et puis l’approche de la ville. Une bretelle confortable, éclairée par d’étranges lumières roses, des lampadaires douces et accueillantes, des virages souples, larges, une circulation fluide. Un ciel gris plomb aux lucarnes rose fluo de coucher de soleil. Sur la banquette de la voiture, fini de sommeiller, les immeubles défilaient accompagnés d’enseignes lumineuses, on était entré dans la ville. Des avenues à quatre voies, puis trois, puis deux, un tunnel, et on émergea dans des paysages connus, là le lycée de filles pas vraiment un grand souvenir, là la gare du Sud qui s’était bien agrandie, à droite le parc où le beau magnolia avait disparu, à gauche les ifs aux baies rouges qui cachaient à moitié le beau château baroque tranquille, il n’y avait plus qu’à suivre les rails du tramway 18, même itinéraire qu’autrefois, amorcer un grand virage en descente, suivre l’avenue principale jusqu’au feu rouge et prendre à gauche…Vue sur le bunker à droite, vue sur les marronniers à gauche, une place libre juste devant le portail, les enfants sautent de la voiture, se ruent vers l’entrée, regardent vers la fenêtre au premier étage et font des signes joyeux en attendant l’ouverture de la porte…
Le temps a passé. Très vite. Je continue seule la tradition, au moins une fois par an. Plus de long voyage en voiture, et pas de voyage en train, il n’y a pas de gare chez nous. Il n’y a pas d’aéroport non plus, mais à partir d’une grande ville, Lyon ou Marseille, l’avion met deux heures pour arriver à destination. Deux heures seulement ! Mais pour joindre la grande ville, c’est une expédition. Il y a bien des cars, mais le réseau n’est pas dense. Donc je prends ma voiture pour quitter la Lozère, je suis une belle route montagneuse, avec des virages, des cols, des vallées pittoresques. Après environ deux heures de descente de montagne, de traversée de forêts, de villages, de vignobles, de paysages de garrigue, de suivi de panneaux, d’observation prudente de la vitesse, les indications varient souvent et brusquement, j’arrive aux environs de Montpellier où je laisse ma voiture chez des amis. Ensuite, au choix et en fonction des horaires, je prends un de ces bus qui s’appellent Flix ou Blabla, qui m’amènent directement à l’aéroport de Marignane, solution plutôt agréable qui permet de regarder tranquillement le paysage. Il y a aussi le train SNCF qui m’arrêterait à Vitrolles où il faudrait attraper encore une navette pour Marignane. Pendant un trajet pas entièrement maîtrisé, j’attends fiévreusement une ponctualité sans faute, pour arriver devant les guichets de départ dans les délais. Une fois passé les files d’attente et les contrôles, on est presque tranquille, on guette les annonces diverses, on consulte les panneaux, on flâne dans les relais de journaux et de livres…A l’appel tant attendu, passeport et téléphone en main, on franchit le seuil, cherche sa place assise et se pose enfin. Annonce pour Vienne en anglais et en français, décollage, quelle drôle de sensation de quitter le sol comme un oiseau, on plane au-dessus du paysage, montagnes, vallées, lacs, lacets de routes, lumières des villes…A l’approche, petite inquiétude, l’atterrissage se passe en douceur, quelques secousses et l’avion s’arrête. Descente par un escalier extérieur, des couloirs sans fin, attente des valises, la valse des bagages sur le tapis roulant, sortie, enfin…Je suis attendue, je monte en voiture, dans vingt minutes je serai arrivée…
J aime ce texte ,où l on va toujours plus loin,,par les montagnes et les lacs pour revenir au point de départ.
Bravo!
Merci , Carole, pour cet encouragement. On sait d’où on part, mais pas toujours où on arrive…