J’ai regardé sa main. Une minuscule feuille d’érable pédonculé, une main posée sur son doigt à lui. Entourant le majeur, ils peinent à l’encercler totalement. L’homme tente de le retirer, cela suffit, la menotte s’accroche. Déjà les doigts s’agrippent, le bras se tend. L’homme sourit, mesure cette force du nouveau-né pour s’accrocher à la vie.
J’ai regardé ses deux mains, les paumes larges pour celles d’une enfant, pas encore dures et rugueuses mais déjà meurtries par le travail de la terre. Des mimines griffées par la recherche de noix. Des ongles salis par le sol dégagé prudemment autour des champignons. Mais aussi deux mains cueillant délicatement l’ajonc d’or d’hiver pour illuminer la maison l’espace de quelques heures.
J’ai regardé ses deux mains que j’ai vu grandir, propres pour ce jour de joie. Le gras de porc consciencieusement étalé, malaxé pour les adoucir n’a pas suffi à effacer la rougeur des jours de lessive au lavoir. Les mains sont cachées par le bouquet de fleurs sauvages cueillies le matin même. J’ai regardé la troisième main posée sur sa hanche, pour la maintenir contre lui, pour signifier qu’elle est à lui. Une main poilue, massive, puissante : un battoir !