en 2 versions,
été
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hiver.
Vous arrivez tard après une longue route. Ou un trajet contrarié, par une panne, un pneu crevé, ou un accident sur la route et le bouchon qui en a résulté. Ou une chute de caténaire sur la voie ferrée à cause d’un violent orage. C’est l’été, le chassé-croisé des touristes pendant la canicule, et vous êtes assoiffé et épuisé.
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C’est l’hiver, la morte saison quelque part en province, loin des stations de ski. Il a neigé, il y a du brouillard, le trajet a été long : un bouchon à cause d’un accident – ça n’était pas beau à voir, croyez-moi – ou un pneu à changer. Ou bien une chute de neige a ralenti puis immobilisé votre train sur la voie. Vous êtes fatigué, frigorifié et affamé.
Vous vous êtes arrêté dans cet hôtel proche de la grand-route, celui où vous arrêtez parfois depuis… c’est bien simple : vous y veniez déjà avec vos parents. Et vos parents avec leurs parents. Cet hôtel a toujours été là, au bord de la nationale. Il était déjà là aux siècles passés, quand la nationale était route royale. Et encore avant, quand elle était voie romaine . C’était un relais de poste avec auberge, cour et écuries. Aujourd’hui c’est un hôtel-restaurant étoilé dans les guides, un gîte d’ étape à l’ancienne.
Vous n’aviez pas prévu d’y passer la nuit, mais avec ce retard,
vous avez trop chaud
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vous êtes gelé
Et puis vous avez envie de vous arrêter ici, revoir ce lieu d’enfance, cultiver un brin de nostalgie.
Vous vous êtes donc présenté à la réception. Vous avez attendu un long moment l’arrivée de l’employée. Quand vous avez demandé une chambre, elle a fait une petite grimace. C’est que c’est un peu compliqué… Vous comprenez, en cette saison,
avec le chassé-croisé des vacanciers, nous avons beaucoup de monde…
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comme nous avons moins de clientèle l’hiver, nous avons entrepris des travaux de rénovation…
Elle a appelé Madame, expliqué que vous demandiez une chambre mais que, n’est-ce pas… Madame a aussi fait une petite grimace mais elle s’est très vite reprise, il ne sera pas dit qu’elle aura laissé un client dehors. À voix basse, elle tient conciliabule avec l’employée – vous ne saisissez que quelque mots : parti… si si … prête… – se retourne vers vous avec un sourire commercial et vous annonce que bon, pour cette nuit, on peut vous loger à l’annexe.
Vous êtes las, vous n’aspirez qu’à
une douche bien fraîche
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une douche brûlante.
Et à cette heure, vous n’allez pas chercher un autre hôtel. Vous acceptez.
L’employée fouille dans un tiroir, en sort une clé attachée à l’un de ces énormes porte-clés, de ceux qu’on ne peut vraiment pas oublier dans sa poche, attrape son manteau, sort de l’hôtel et vous fait signe de la suivre.
Elle prend à gauche, puis encore à gauche dans une rue étroite bordée d’un côté de hauts murs, de l’autre de petites maisons serrées les unes contre les autres. Les trottoirs sont étroits et inégaux, encombrés de poubelles.
Avec la chaleur, il en émane une odeur de fruits de mer en décomposition.
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Il reste ça et là des plaques de neige et de grands flaques boueuses.
Vous parcourez une cinquantaine de mètres. L’employée s’arrête devant un portail métallique et compose un code. Le portail glisse, vous entrez dans la cour. Elle vous informe que vous pourrez y garer votre voiture. Si vous en avez une.
Sur la gauche, deux marches, une autre porte, un autre digicode. Vous entrez dans un long couloir.
La lumière pénètre par de hautes fenêtres situées à plus d’un mètre du sol.
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Les ampoules du plafond se reflètent dans de hautes fenêtres situées à plus d’un mètre du sol.
On se croirait dans un couloir d’école. Ne manque que la rangée de porte-manteaux sur le mur peint en blanc. Vos pas résonnent sur le sol carrelé noir et blanc. Vous vous dites que vous êtes peut-être dans un ancien pensionnat, un bâtiment conventuel reconverti, ce genre d’endroit.
L’employée s’arrête devant la troisième porte. Elle l’ouvre et s’efface pour vous laisser entrer. La pièce toute en longueur vous paraît étroite. Une chambre de pensionnaire.
On y entre par une sorte de petit couloir. À gauche, une porte donne sur un cabinet de toilette sommaire : douche, WC, lavabo minuscule. Puis un placard. Ou plutôt une niche entre deux placards. On y a posé une bouilloire électrique blanche et deux mugs blancs sur un coffret à tiroirs contenant très probablement l’assortiment classique de sachets de thé et de camomille, de dosettes de café, de sucre et de lait en poudre.
Les murs sont peints en blanc, l’encadrement de la fenêtre en gris clair, comme les portes.
Le lit, installé dans l’angle à gauche près de la fenêtre, est étonnamment large pour cette chambre de nonne. Au moins un mètre vingt. Deux oreillers,
un dessus de lit de cretonne à fleurs jaunes
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un édredon orange
Le long du mur de droite, une table et une chaise.
Au pied du lit,
un ventilateur
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un chauffage d’appoint électrique
que l’employée met en marche tout en vous en expliquant très – trop – rapidement le fonctionnement. Elle pose la clé et son énorme porte-clé sur la table et vous tend un carton avec les codes. À votre grande surprise, vous découvrez qu’il y a le wifi à l’annexe. Elle vous indique que vous trouverez une cuisine et un petit salon au bout du couloir, puis se ravise et vous demande si vous désirez dîner à l’hôtel. Vous vous demandez si les clients logés dans cette annexe sont de ceux qui mangent au restaurant. Le repas sera servi d’ici une petite heure. Vous prenez le temps de vous doucher. Vous décidez de vous allonger et de vous détendre.
Vous vous réveillez en sursaut. Vous ne savez pas où vous êtes. Si, vous étiez à table avec des inconnus qui riaient. Non… vous avez rêvé… Vous êtes là, dans cette chambre, dans un hôtel. À l’annexe. Il fait complètement nuit. Un coup d’œil à votre smartphone vous apprend que vous avez largement dépassé l’heure du repas. Dans le couloir, vous entendez des bruits. Des pas. Des voix. Des rires. Une odeur de viande, de saucisses grillées. Vous vous rendez compte que vous êtes affamé. Vous vous souvenez que l’employée a parlé d’une cuisine, au bout du couloir. Vous vous habillez rapidement et décidez d’y aller voir.