Hôtels de fortune
L’hôtel se trouve dans une avenue rectiligne éclairée de hauts lampadaires sommaires, parmi des blocs de bâtiments gris droits carrés impersonnels. Après une expédition glaciale dans les montagnes roumaines couvertes de forêts noires touffues, pour trouver un village perdu et son maire qui attendait, qui attendait la cargaison de deux C15 remplies de matériel de première urgence, outils, clous et vis pour bâtir, médicaments et nourriture pour passer l’hiver, semences pour préparer le printemps, après cette livraison dans un paysage de Transylvanie digne des histoires de vampires, ils sont arrivés à Deva, ville grise étendue sous un ciel hivernal peu engageant.
L’hôtel se trouve en plein centre. Bloc gris aussi, imposant, grande porte d’entrée en verre, vaste hall d’accueil, bureau de change, réception. Tout semble abandonné. Personne. Inquiets, désireux de se réchauffer, de se poser enfin, ils secouent une grande cloche faisant office de sonnette, appellent à grands cris et une voix lointaine répond d’un étage supérieur. Ça parlemente. Finalement, le réceptionniste, rigide dans son uniforme gris aux boutons et cordelettes dorés, consent à les installer, deux chambres pour quatre personnes au second étage. Les bagages sont montés en ascenseur par les garçons, la fille part devant pour explorer les lieux. La porte en bois de la première chambre grince, la clef coince, la fermeture s’avère difficile. La chambre est petite avec deux lits une place couverts d’épais édredons blancs. La literie semble propre. Mais les lumières tremblotent, la salle de bain est dans un alcôve en face, sous la douchette de la baignoire est posé un interrupteur électrique sans respect de la sécurité, et sous le lavabo sans tuyau d’évacuation, un seau accueille l’eau qui coule. Une désagréable surprise. Il faudra faire attention en se lavant. Elle ouvre la porte du balcon pour prendre l’air et fait quelques pas sur les planches de bois qui couvrent le sol, ce sol qui capote sous ses pieds et vacille, elle s’accroche à la balustrade de justesse pour éviter de tomber dans le vide. Un moment d’angoisse, la cœur bat fort, mais l’équilibre est rétabli.
La deuxième chambre n’a pas de balcon et l’électricité semble plus appropriée, donc ils décident de rester, ils ont besoin de repos. Mais ils ont aussi faim, il faut chercher une salle de restaurant. Et il faut passer par le bureau de change pour acheter des lei roumains. Elle descend la première par les escaliers et attend ses compagnons qui ont pris l’ascenseur. Elle attend un long moment, de plus en plus inquiète, puis elle entend des voix de loin, des rires, ça ne doit pas être trop grave. Mais l’ascenseur est resté coincé entre deux étages et il a fallu appeler un dépanneur. Ils seront en retard, le bureau de change est fermé, il faudra payer avec des francs. On leur indique une salle de restaurant juste à côté, mais dépêchez-vous, ça va fermer bientôt ! C’est encore ouvert, il y a du monde, beaucoup de monde, des gens accueillants, curieux, désireux de parler français, le repas est bon et ce n’est pas cher. Ils apprécient.
La soirée mouvementée se termine au calme dans des chambres froides. Avant de se coucher, elle a un petit pincement au cœur en pensant à leur dernière nuit en Hongrie, près de la frontière, dans un hôtel coquet, convivial, à l’accueil chaleureux, avec des chambres aux murs lambrissée de pin, avec des édredons dodus aux carreaux rouge et blanc, un hôtel chalet à l’aspect tyrolien implanté au milieu de la steppe hongroise.
Un hôtel de rêve
Un grand jardin. De l’espace. Des palmiers. Des fleurs rouges épanouies. Pour respirer, prendre le temps, changer de monde.
Une grande chambre. Un balcon à la balustrade torsadée. Vue sur la mer bleue. Odeur d’iode, bruit du ressac. Pour le calme et pour l’harmonie. Pour relâcher la pression, trouver la détente.
Une chambre pleine de lumière. Un grand lit moelleux. Douceur des draps, opulence des oreillers. Dans un vase blanc, une fleur rouge, flamboyante, exotique. Pour oublier l’agitation. Pour se retrouver.
Silence.
Un moment de paix.