Pouvoir croquer un bout d’obscurité pour faire un trou dans la nuit, voilà ce qu’il faudrait. Mais quoi derrière ? Nous n’avions jamais pénétré la Ville-Feuille de nuit. Nous avancions prudemment, mains tendues. Et nous tâtions l’obscurité comme l’on tâte les murs d’une pièce plongée dans le noir. A chaque pas, nous prenions le risque de disparaître, d’être avalés. Engloutis. La vaste nuit procédait par effacement et quand la peur prenait le dessus, elle semblait préfigurer de grandes catastrophes. Aveugles au paysage, nous avancions. Seules nos oreilles, notre nez et notre peau nous permettaient de sculpter un semblant de monde, labyrinthique : le bruit de nos pas ouvrait un sentier parmi le pourrissement des fruits, le chant lancinant des grenouilles, les bruissements de feuilles au passage d’animaux nocturnes, la fragrance de l’ylang-ylang, le murmure du vent dans les arbres noirs. Nous palpions la nuit, timidement, et nous reconnaissions le tronc noueux des manguiers ou bien la rugosité d’un mur de pierre et dans ses anfractuosités la douceur d’une fougère. Seul le Veilleur semblait s’y retrouver dans les méandres de la Ville. C’est lui qui ouvrait la marche. Derrière lui, nous avancions dans la nuit vivante.
Bravo, c’est très beau Emilie et le titre m’a tout de suite donné envie de te lire. Les sensations prennent à la peau à mesure de l’avancée dans le texte. Merci et bonne journée.
Merci Clarence ! Ton retour me touche particulièrement. Cette proposition m’a donné l’occasion de retourner faire un tour dans la Ville-Feuille. 😉
+1 pour la nuit vivante et la ville feuille, bien envie d’en savoir plus
Merci Juliette ! c’est ça qui va être dur d’étirer, moi qui adore les romans et la prose romanesque, mais, en écriture, me découvre un territoire plus poétique et fragmentaire. Beaucoup de mal à tirer les fils du narratif. Je verrai bien…
Un peu le même problème de mon côté, compliqué aussi au niveau temps de se plonger complètement dans une histoire, d’où, de mon côté, le travail par petits morceaux pas si simples à recoller ensuite pour en faire quelque chose de plus construit façon roman…
Elle est luxuriante cette nuit vivante. Merci Emilie
Oui, elle bruit de présences… 🙂 Merci pour ta lecture Marie !
Cette avancée derrière la ville-feuille de nuit nous emmène dans le monde de la nuit vivante, bien envie de plus la découvrir sous tes mots. Merci.
Merci Jean-Luc ! c’est ce que je souhaitais en effet. Merci pour ce retour. J’en sais très peu encore. Il va falloir que j’y retourne et voir ce qui peut advenir…
« Aveugles au paysage, nous avancions. Seules nos oreilles, notre nez et notre peau nous permettaient de sculpter un semblant de monde, labyrinthique : le bruit de nos pas ouvrait un sentier parmi le pourrissement des fruits, » ce monde sans les yeux devenu palpable: vivant, vibrant Merci
Merci Nathalie ! j’ai aimé cet exercice de faire naître un paysage autrement que par la vue.
Merci pour ce très beau texte. je rejoins Nathalie pour applaudir à « ce monde sans les yeux ». Aussi » … faire un trou dans la nuit ». 🙂
Merci Laurent pour ta lecture et ton retour, et l’élan que ça donne.