#boost #11 | nous rampions

Nous marchions parmi les radeaux nous marchions dans les décombres les méduses étaient du feu, des orties nous lacéraient les jambes nous avancions comme nous pouvions parmi tous ces débris et les ronces qui nous griffaient nous transperçaient les chairs nous blessaient, nous marchions têtus pour où pour quoi nous n’en avions aucune idée sauf que ce n’était pas possible autrement avancer avancer au moins avec nos corps, car pour le reste nous étions totalement égarés des bruits d éboulis nous poursuivaient, de sombres bruits au fond de puits profonds nous sentions l’odeur âcre des fumées du plastique brûlé nous dégringolions le long de pentes imprévisibles nous ahanions dans des côtes à peine perceptibles nous avancions nous marchions entêtés nous croisions des fantômes, les nôtres et les leurs, comment les distinguer ? C’était la nuit une infecte nuit, nous nous sentions mortels. Nous nous accrochions à tout ce qui se présentait au sol aux murs aux arbres à nos souvenirs. En cherchant appui, nous arrachions des lambeaux d’écorce, des fragments de pierre, des lambeaux de papier et d’étoffe, des touffes de plantes nous en avions plein les mains, nous les laissions tomber. La lune était blême, les étoiles sortaient leur écharpe nous percevions désormais la clarté pâle de nos visages nous étions à faire peur nous eûmes peur. Nous nous sommes donné la main, ce contact nous rassurait nous évitions désormais de nous regarder, parfois nous nous arrêtions pour frotter nos griffures et nos blessures, l’une d’elles me lançait fort nous errions sans but ni direction la faim nous tenaillait nous nous saisissions de nourritures abandonnées au sol, toutes étaient pourris et nous laissaient en bouche un goût abject nous en avions des hauts le cœur, nous marchions encore et peut-être à jamais, la soif nous dévorait, rien ne se présentait, la situation s’éternisait nous marchions dans la nuit, debout mais courbés, sans savoir, sur l’asphalte, sur l’herbe, sur des pavés disjoints, puis nous marchâmes à genoux puis à quatre pattes, nous rampâmes à la fin, le bruit saccadé de nos souffles nous emplissait les oreilles, nous prenions des coups dont nous ne voyions pas l’origine, nous rampions parmi des jambes, des dizaines, des centaines de jambes, et les coups fusaient…Nous rampions 

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement, beaucoup plus sérieusement depuis la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

7 commentaires à propos de “#boost #11 | nous rampions”

  1. Quel monde sommes-nous en train de créer avec cette proposition ! 🙂 Nous marchions, pour finir par nous rampions, enfin nous rampâmes plus beau encore, tout est dit et j’aime l’évolution depuis debout, avancer sans but, Dans des bruits d’éboulis qui poursuivent, « nous ahanions dans des côtes à peine perceptibles »… L’idée du chercher appui aussi me plaît. Merci, Catherine. Je te réponds en perso.

  2. « Nous nous accrochions à tout ce qui se présentait au sol aux murs aux arbres à nos souvenirs. En cherchant appui, nous arrachions des lambeaux d’écorce, des fragments de pierre, des lambeaux de papier et d’étoffe, des touffes de plantes nous en avions plein les mains » je sens tout ! Et cette « âme » finale unique prend toute sa force

  3. Merci Nathalie, oui comme je te l’ai dit , cette proposition m’a renouée avec le passé simple (à dose homéopathique!)

  4. Nous partageons cette épopée vers le bas, de plus en plus, « le bruit saccadé de nos souffles nous emplissait les oreilles, nous prenions des coups dont nous ne voyions pas l’origine, nous rampions parmi des jambes, des dizaines, des centaines de jambes, et les coups fusaient…Nous rampions »
    Ramper est-il se sauver ? Tout cela inquiète… c ‘est vraiment réussi

  5. « C’était la nuit une infecte nuit, nous nous sentions mortels. Nous nous accrochions à tout ce qui se présentait au sol aux murs aux arbres à nos souvenirs. » Texte tout en tensions. Merci !