Nous marchions aveugles et debout, dressés presque, nous marchions en silence, reprenant l’habitude de nous parler à nous-mêmes, nous invectiver nous-mêmes, nous rassurer nous-mêmes et finalement laissant fuser nos pensées désordonnées et absurdes que nous ne comprenions pas nous-mêmes. La nuit vide nous enfouissait sous sa peau épaisse, nos mains hagardes fouillaient son noir, espérant un contact, une chose, un arbre, un mur, une étoffe, quelque chose enfin. Et rien. Nous nous parlions à nous-mêmes, la bouche close et l’esprit défait, nous sentions la présence de l‘autre, entendions son souffle, le choc mou de ses pas dans le sable, le frottement léger de ses habits. Nous nous prîmes les mains pour enfin toucher quelque chose. Nous marchions enfin sur un sol dur, nous étions arrivés dans la ville, nos pas résonnaient plus fort nous prenaient dans leur rythme. C’était encore la nuit, une infecte nuit, nous nous sentions mortels. Nous nous accrochions à tout ce qui se présentait au sol aux murs aux arbres à nos souvenirs. En cherchant appui, nous arrachions des lambeaux d’écorce, des fragments de pierre, des lambeaux de papier et d’étoffe, des touffes de plantes, des bouts de verre et de métal, nous en avions plein les mains, nous les laissions tomber, ils ne faisaient pas le moindre bruit. La lune était blême, les étoiles s’enveloppaient de leur écharpe laiteuse nous percevions désormais la clarté pâle de nos visages nous étions à faire peur. Nous eûmes peur. Nous marchions et nous chantions, nous chantions des comptines à moitié oubliées, nous chantions lalala pour colmater nos oublis, nous chantions ensemble, nous marchions ensemble en nous agrippant les mains, nous nous tordions les doigts nous nous faisions mal et tout en gémissant, nous chantions de plus en plus fort, comme des idiots, comme des fous, comme des désespérés, comme un défi, nous allongeâmes le pas, nos chants nous l’imposaient, nos chants emplissaient le silence, submergeaient tout, un écho y répondait, nous marchions de plus en plus vite emportés par notre chant, nous marchions sur un chemin, des herbes nous fouettaient les chevilles, la terre était souple (un parc peut-être) nous trébuchâmes dans des ornières, nous trébuchâmes sur des pierres, nous blessant encore, nous marchions encore nous marchions courbés, essoufflés, notre chant devint syncopé, nous le maintenions comme nous pouvions entrecoupé de longues inspirations rauques, nous ne voulions pas arrêter ni le chant ni la marche, tant nous avions peur, nous avions tellement peur…
Merci Catherine, on est pris par les différentes étapes, de la marche en silence » reprenant l’habitude de nous parler à nous même », jusqu’au chant qui réunit, » nous ne voulions ni arrêter de chanter ni la marche, il y a de l’espoir. J’aime bien les reprises, nous chantions, nous chantions lalala
merci à toi Hélène si seulement je savais où ce texte peut bien aller…
Le chant et la marche ensemble, c’est une belle folie.
J’aime la vigueur de ces chants de désespoir, de folie et de peur, l’acharnement de ce Nous, le rythme de ce texte… Merci Catherine
le chant vient dans l’après
le chant devient une sorte d’antidote à la peur
(salut et merci Catherine…)