# Boost # 13 | De voix en lèvres


C’est durant cette immuable mue entre nuit et jour, lorsque le corps, pas encore repus du repos nocturne, se retourne et s’enfonce dans le chenal vaporeux où s’écrivent les rêves. Là, les ombres de la presque aurore glissent leurs silhouettes à la rencontre de celle qui, retardant le retour dans le réel, non encore désiré, laisse le sommeil accomplir son travail. Quelqu’un lui parle ou plus exactement murmure des mots dont elle n’est pas sûre de saisir toute la portée, mais elle sait qu’il faut donner à son écoute toute la densité nécessaire. Une ombre informe, longiligne, aux bras démesurés qui s’agitent comme des ailes, sans se rendre effrayante, tourne autour d’elle, rôde comme le vent autour des arbres, torturant un peu les feuillages. Elle sent que cette ombre est bienveillante, mais ne peut s’empêcher de trembler. Ce n’est pas de cette peur des cauchemars qui vous fait vous agiter en tous sens, mais de cet émoi qui saisit face à une vision dont on n’a pas toutes les clés. Une phrase se détache plus clairement qu’il faudrait retenir, avant qu’elle ne s’égare dans les couloirs sans fin de l’esprit, et ne se heurte aux cloisons de l’oubli. Les mots chancellent, alors que dans le jour qui a fini par vaincre la nuit par habitude, le braiement d’un âne déchire murs et fenêtres ne laissant émerger sur les lèvres que des mots : dans cette immuable mue

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

2 commentaires à propos de “# Boost # 13 | De voix en lèvres”

  1. L’étrangeté des phrases étirées et nos yeux qui ricochent sur les mots jusqu’au bout du souffle. J’aime cette expérience de lecture. Merci Solange.

  2. « Les mots chancellent, alors que dans le jour qui a fini par vaincre la nuit par habitude, le braiement d’un âne déchire murs et fenêtres ne laissant émerger sur les lèvres que des mots : dans cette immuable mue… » Magnifique