#boost #13 | Non mais qu’est-ce que tu crois?

Tu as entendu cette phrase ? Clairement, distinctement énoncée, elle t’a réveillé. Ou l’étais-tu déjà ? Tu t’es levé machinalement Tu es allé aux toilettes Tu t’es recouché, et la voix encore dans les oreilles, sonore et nette, comme un couperet, une question qui accuse. Non mais qu’est-ce que tu crois ? Un voisin peut-être ? à cette heure ? et si nette si proche… Quelqu’un dans la rue la nuit en caisse de résonance ? Voix de femme ou d’homme ? Voix tranchante, cinglante, voix venue des tripes, jaillissant du profond, intérieure, pas sexuée encore… Tu dis n’importe quoi. Tu es fatigué. Tu veux dormir encore mais la question est là, comme jaillie du mur derrière toi, et si près de ton oreille, comme complice dans sa méchanceté même. Non mais qu’est-ce que tu crois ? un sifflement fielleux. Tu as envie d’aller aux toilettes. Tu y es pourtant allé déjà, non ? La vessie te fait vraiment mal donc non, tu as juste rêvé y être allé, sans doute, sans doute, tes réveils sont ainsi, élastiques, gluants, interminables et confus. Ta chambre est noire, les stries entre les lattes de volets à peine grises, si on était le matin, ce serait de vrais rais de lumière, on entendrait les oiseaux. Pas d’oiseaux, un souffle comme sorti des murs dont l’aspect sombre et vaporeux bouge imperceptiblement. Et la voix, tu l’as rêvée ? ou c’est toi? Toi qui l’as dite cette phrase Non mais qu’est-ce que tu crois ? Avoue que cette phrase, c’est tout toi dans ta manie d’auto-accusation… De quoi d’autre as-tu rêvé ? … tes parents ressuscités, vifs comme des gardons, comme cette voix, si réels et contondants …Tu fouilles dans tes rêves pour l’essentiel déjà volatilisés. Juste ton père, si grand, si menaçant, la gifle toute prête, son œil plein de reproches, c’est peut-être de là que provient ce Non mais qu’est-ce que tu crois ? Le chat gratte sa litière. Déjà ? tu es donc bien réveillé. Quelqu’un ronfle maintenant, ça va t’empêcher de dormir, tu tends le bras vers ton téléphone, le ronflement cesse, un halo de lumière autour de ton téléphone te rend à ta solitude. Mes sommeils sont trop peuplés… Il y avait aussi ton ex semble-t-il plantée dans un long couloir, se déshabillant avec lenteur envoyant sa culotte par-dessus tête, tout à fait son genre… tu fantasmerais encore sur elle ? Non non elle était grise, tout sauf attirante, obscène. Combien de temps a passé, tu consultes ton téléphone, trois heures, il t’avait semblé dix minutes tout au plus, dix minutes à te remuer dans ton lit, à lutter contre les positions douloureuses. Toujours pas le moindre rai de lumière entre les lattes du volet, trop tôt pour se lever, rester là dans ce noir, c’est un grand soulageoir est-ce que soulageoir existe ? à vérifier dans le dico … tu te bouges enfin, tu te lèves, tu restes couché, tes membres trop endoloris…  la tête tellement lourde… Tu cherches dans le dictionnaire Soulageoir : subst. masc. Ah ! Petite pièce aménagée dans les maisons romaines où les femmes se rendaient en cachette pour pleurer tout leur saoul (les pôvres)  tu es au lit, dans ce noir si effrayant autrefois, mais là non, juste opaque, l’âge atténue les frayeurs, les réveils de plus en plus en pâte feuilletée, fourrée d’entre-deux, les pensées qui s’entrechoquent, même pas de toi, mais de qui? Quel est le programme aujourd’hui ? acheter poulet, litière pour le chat, passer chez l’imprimeur, la cavalcade allait bon train c’était à le tuer ce connard !!! Non mais qu’est-ce que tu crois ?  D’où ça sort encore ça ? A croire que ton cerveau fonctionne en autonomie, toutes ces pensées désordonnées… Soulageoir te rappelle reposoir ou reclusoir tu aimes les mots en oir … comme Baudelaire. Vraiment tu ne crois pas qu’il a la fièvre ? Croire ou ne pas croire, encore un… sauf loir. Ils arrivent à rentrer dans les bouteilles d’huile et ils y gonflent, ils y gonflent. Tu te lèves il est huit heures tu sors le dico, Soulager… Soulageoir… ‘xiste pas. Dommage.

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement, beaucoup plus sérieusement depuis la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

Une réponse à “#boost #13 | Non mais qu’est-ce que tu crois?”

  1.  » Non mais qu’est-ce que tu crois » formidable interpellation de soi à soi dans le noir opaque. Quand j’ai lu soulageoir qui existe dans ton noir opaque ( j’ai immédiatement pensé à lui : reposoir encensoir ostensoir soir )  » Non mais qu’est ce que tu crois  » ça sonne aussi comme une délivrance !