Le soleil pourra bien faire sa course folle et la lune sa lente apparition. Rien on ne verra rien de tout cela. Une pièce aux quatre murs blancs éclairée par un faible néon fera l’affaire de cette privation volontaire. Le dos au mur aurait remercié de l’épargner. Ce sera l’avant d’un corps face à un mur. Ce sera un mur blanc. Le face à face entre un corps immobile et un mur. Un corps à immobiliser. La mise en assise de la chair et des os prend du temps comme se prépare un long voyage. Fatigué ou pas un corps s’assoit à terre sur un coussin. Le bassin attiré par la gravité laisse les jambes déjà croisées glisser vers le sol et les genoux s’y poser. Terre d’accueil pour un corps qui se dépose avec ses bagages. Presqu’immobile un dos presque droit se tend vers on ne sait quoi là-haut qui ne dit mot. Des bras devenus encombrants aident les mains à s’aventurer au bout du bout des cuisses. Deux paumes de main grandes ouvertes vers le ciel des fois qu’il y tomberait un peu de perles de tranquillité. Mobilisés les yeux écarquillés sur un point qu’ils croient fixe sur le mur blanc. Un mur blanc comme neige révèle des traces. Assis en tailleur un corps s’immobilise et suit des yeux des traces ou des fissures ou des crevasses invisibles avant. Avant l’acceptation de l’immobilisation. Avant le plongeon dans l’immobilité. Parce qu’avant ce corps négocie avec les fourmillements le mal partout et pourquoi pas bouger juste d’un millimètre et pourquoi pas se lever d’un coup sec comme on se cognerait fort contre un mur pour le réduire en miettes un mur trop blanc qui rend trop visibles à l’œil nu trop de blessures trop d’écorchures trop d’impasses. Pourtant ce corps lentement avec le souffle harmonieusement avec le cœur s’accorde dans une ferme mollesse une stoïque langueur. Ce corps devant un mur blanc devenu sans tension sans effort confortable. Oubliable. Oubliant le mur. Oublié le corps. Reste quoi alors reste une présence reste une présence qui ne pense reste une présence sans les sens. Ne reste rien alors. Du dehors rien d’autre qu’un corps immobile et un mur blanc immobile lui aussi. Au-dedans rien qui puisse se dire. Pas de langage dans ce paysage. Sans nuage. Loin des naufrages. Pourtant si près du rivage.

Open window – Fanny Brennan ( Skyshades
C’est un texte magnifique. Envie de dire ce texte qui pourtant tend vers le silence du dedans aussi face au mur blanc. « La mise en assise de la chair et des os prend du temps comme se prépare un long voyage. Fatigué ou pas un corps s’assoit à terre sur un coussin », très beau, merci.
..Quel cadeau que de lire tes mots juste au moment où je mets un point ( d’interrogation?) à mon Boost 15 ! Quelle belle synchronicité de partage comme ça pour rien .. donc pour tout! grand merci
« un corps qui se dépose avec ses bagages » un tout qui prend forme « blanc comme neige » là où l’on n’imagine pas la neige tomber. Fort contraste. Merci.
Merci pour ton regard sur mes mots. la pratique de Zazen invite à déposer le sac de peau et…le sac à dos !