Courir, respirer, allonger la foulée, comme enjamber le monde, comme l’avaler, les kilomètres, digérés à mesure, l’estomac dans les jambes, cette faim inassouvie de courir encore, déséquilibre permanent redressé in extremis sinon ce serait la chute, et alors pourquoi pas chuter à trop courir mais courir quand même, sentir les veines, le bouillonnement, la tension dans les muscles et puis ne plus sentir, se laisser porter, l’envol, l’arrachement, la légèreté, hors-sol, propulsée, devenir fauve, devenir proie et courir, ne pas regarder ni derrière ni sur les côtés mais loin devant, au-delà de la ligne d’horizon, espacer, distancer, tout ça c’est du vent, d’ailleurs tu es le vent, d’une brise devenir rafale par accélération, jusqu’au cœur, l’organe remonté dans la cage thoracique le dompter, le calmer, l’amadouer, abaisser le rythme cardiaque pour tenir, mesurer le souffle, apprivoiser l’air qui pénètre les bronches, le garder, l’expulser, ajuster l’expir pour tenir, calibrer le geste, le mental, le corps, tour doit être à sa place, synergie de l’ensemble, univoque, même voix pour même objectif, tout reste à faire pour battre son propre record, tout est affaire de discipline et d’endurance, de résistance, atteindre les limites sans les franchir, ou juste un peu parce que c’est comme ça qu’on progresse, c’est comme ça qu’on a un podium, devenir meilleure, aller plus vite, non en force mais en profondeur, jusque dans les fibres musculaires, jusque dans les terminaisons nerveuses, dans les synapses, dans le sang qui pulse, dans la sueur qui coule, me dégouline dans l’œil, que j’essuie de mon bras, je le laisse retomber, souple, demi-plié, décontracté, mouvement de balancier qui accompagne la course, et courir de soif, courir de faim, courir de fatigue, courir de vitalité et de désir de courir, courir toujours plus, toujours plus loin : courir.
Codicille : retour à un personnage d'athlète, coureuse de demi-fond
Course effrénée de mots, épreuve réussie où l on reconnait bien ta voix et ton style : »c’est comme ça qu’on a un podium, devenir meilleure, aller plus vite, non en force mais en profondeur, jusque dans les fibres musculaires, jusque dans les terminaisons nerveuses, dans les synapses, dans le sang qui pulse, dans la sueur qui coule, me dégouline dans l’œil » Merci pour cette accélération de la course qui finit dans une goutte de sueur.
Il y a bien cette ivresse frénétique qui définit (pour moi) la course à pied. Le syndrome du pas qui est toujours suivi d’un autre, cette impression de mouvement perpétuel car même lorsque le corps s’arrête, l’esprit continue de courir. Un texte éprouvant. Merci pour le bol d’air.
On y est avec ton personnage, on arrive drôlement essoufflé. Oui, quelque chose du mouvement perpétuel. Merci.
Le corps qui n’est pas épargné, le corps qui souffre et qui donne tout… merci pour cette immersion dans la matière en mouvement.