#boost#14 Abandon

Immobile. Une grande pièce claire vaste pas triste avec touches de couleur. Le lit au fond dans l’ombre.  Lit en bois clair, matelas épais. Le lit dans lequel il est couché. Pénombre, portes fenêtres fermées. Calme. Paisible. Pas un bruit, pas un mouvement. Pourtant. Il est étendu dans le lit, calé entre couette et matelas. Immobile. Toute raide, la carcasse. Tout lourd les pieds les hanches le dos les épaules. Tout pèse tout refuse. La tête est lourde, même les pensées pèsent, noires, trop chargées les pensées, encombrées, encombrantes. Il n’en veut pas, il n’en veut plus, il préfère le vide. Il flotte…. Pas bouger, je suis bien…pas penser pas bouger pas remuer…Les paupières papillonnent, tremblotent, pas ouvertes, mais attrapant la lumière filtrée par les rideaux blancs, pas blancs il les voudrait noirs fermés enfermés, mais rideaux pas noirs, rideaux blancs doux calmes. Tiédeur lueur. Pas triste. Mais résigné. Froissement des ailes du nez poussière ou courant d’air. Respire, souffle. La langue tâtonne, lèche, tente d’humidifier les lèvres sèches craquelées, La salive se bloque dans la gorge, raclement, toussotement. Les mains frémissent, accrochent, les doigts triturent le tissu, caressent le satiné soyeux, frottent, flottent, plissent, tirent et retirent. Il a chaud, il fait trop chaud, et puis non il a froid, il a froid aux pieds, ces pieds qui ne bougent pas, qui se coincent dans le drap et puis en même temps il a chaud dans la tête qui transpire, les cheveux transpirent, bien enfoncés dans le coussin moelleux, trop moelleux, trop enfoncée la tête, engoncée, creuse la tête, mais pas bouger, une mouche tourne vire énerve, la main se lève, bouge à peine, c’est la mouche qui gagne, le calme revient. Bruit léger de pas légers sur le parquet, la porte s’ouvre, besoin de rien, tout va, on n’y peut rien, faire quoi, laisse, une voix basse, lasse, un souffle, la main qui trépigne qui renvoie…je suis bien, bouge pas, pas bouger. Détendu non, trop raide, ankylosé, engourdi, étourdi aussi, mais il flotte, il est bien…il dit qu’il est bien….

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

2 commentaires à propos de “#boost#14 Abandon”

  1. L’immobilité est vraiment bien retranscrite, notamment grâce au mouvement de la mouche en contrechamp. Belle idée !

    • Merci, Léa, pour avoir ressenti cette immobilité triste et passive grâce à l’existence de la mouche…