#rectoverso #04 Indicible

Quelque chose du translucide de l’être traverse les pétales de rose sur la table et tendrement s’évade. Bobin. Le bruissement du dedans transparait dans la beauté d’une oreille qui m’est spécifiquement adressé. Murakami. La vibration du vivant tremblote dans une fleur de chardon entre deux tranches de béton. Étancher la soif inextinguible d’être. C’est la substance de la trame et ça fou le camp à tout bout de chant. Chanter. Voix qui s’embrasent et s’étreignent. Je l’ai attendu quand elle est né. L’essai du vivant qui balbutie. Encore encore. Le mouvement du vent qui m’enveloppe d’une caresse tiède précise tendre légère présente. Partout en même temps et nul part à la fois. Ce qui bruisse, murmure, grogne, baigne, arrache, reconstruit, recommence, farfouille, gratte, halète, tombe, grandit, s’effondre recommence. Le trille de l’oiseau dont j’ai oublié le nom, le bourdonnement lourd des feuilles, les tics qui s’agrippent à mes jambes. Le merveilleux du chaos s’ordonne se perd se retrouve.

Où veux tu en venir ?

La voix des arbres. Un homme m’a invité à vivre dans le désert près de la frontière du Mexique. L’aridité, la chaleur épaisse. Aucun arbre. Aucun des miens. Quelque chose de l’invisible se dit chuchote par la sève par l’écorce tendrement velu sous ma main par les cerneaux de vie qui chantonnent. L’intraduisible de l’intime du végétale, la proximité amoureuse de la sève qui bondit dans le tronc sauvage rugueux. Mes bras autour de lui. L’échange. Imaginaire fantasmé rêvé entendu vécue.

Viens en au fait, tu m’épuises avec tes circonvolutions.

Notes de carnet d’antan. 16 ans. Pantalon pate d’éléphant framboise chemise kaki à fleur blanche. Cabinet. Psychologue. Mère. Qu’est-ce que tu aimes faire ? Lire pour rentrer à la maison, me blottir dans mon refuge face à l’incertain, l’incompréhensible, la tension et l’ennui, la déconnexion, la violence de la famille. Je lis en cachette sous ma couette en guettant le bruit des clefs que fait mon père en fermant la cave. Je lis dans un tiroir ouvert,  mes devoirs étalés sur mon bureau, et le referme d’un mouvement sec dès qu’un de mes parents surgit. Plonger, me noyer, me dissoudre, me perdre, m’évader, m’oublier, me rencontrer, exister, dans les mots des autres. Et la question de la dame qui me poursuit depuis 25 ans, pourquoi tu n’écrirai pas ?

Où veux-tu en venir ?

Saisir cet innommable. Pister sa trace comme la bave que laisser l’escargot sur la feuille, le silence velouté de grâce quand les dernières voix du chœur s’éteignent. Me laisser toucher sentir la beauté subtile organique. La laisser s’imprégner dans les mots comme une trace d’encre soufflé par le vent.

Mièvre et agaçant que tout cela. Restons en là.

2 commentaires à propos de “#rectoverso #04 Indicible”

  1. Saisir l’innommable, le dessein de la littérature, peut-être même sa toute fin, en quelque sorte. En attendant il faut saisir, passer par le saisissement des mots et vous y réussissez merveilleusement.

  2. J’aime beaucoup, la poétique des images, ce qui ne se dit pas mais se devine, ce qui se dit et la douceur, c’est très beau, ce quelque chose qui se cherche, merci Louise.