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La notion d’histoire, mot spécifique par rapport à récit ou fiction, traverse de façon souterraine l’ensemble de nos cycles.
On peut la considérer comme notion rétrospective : ce que construit et révèle la lecture linéaire d’un livre. L’histoire comme résultante, ou accomplissement.
RÉSUMÉ. Un lieu donné, de la cage d'escalier à la rue, à la ville. Ou bien un point de passage ou d'attente, un rassemblement. Et toutes les histoires possibles : celles qu'on connaît et qu'on peut y transférer, celles qu'on imagine. En s'appuyant sur l'index des histoires contenues dans La vie mode d'emploi de Perec, en prolonger au plus loin cet inventaire possible — mais en faisant en sorte qu'il soit impossible de distinguer les imaginaires des autres.
On a toujours ici travaillé sur ce principe: casser les cloisons ou remparts défendant de potentiels contenus irrévélés avant l’écriture, en faire matière. Et, dans la transformation-langage de cette matière, en scruter un à un les composants, depuis le statut même de réalité ou, à l’inverse, de représentation — jeux du temps, de grammaire, de techniques narratives.
Mais cette spécificité de «l’histoire», en tant qu’elle fait tenir le livre en équilibre depuis son propre mouvement, et en est la trace vive, au-delà de lui-même et de sa lecture ?
Pour entamer ensemble cette séquence, on va reprendre un point de départ déjà en partie exploré. Mais on va le détacher de son contexte initial, et lui rajouter un autre ensemble de contraintes.
Ne pas attendre tout d’un seul exercice, c’est bien un cycle d’écriture qu’on entame ici. Et, tout aussi bien pour ce mot histoire, procéder par touches successives, et déploiement de matières.
La première exploration, c’était lors de cette tentative d’un «roman maison» où nous avions déployé 14 exercices dans l’intérieur même de La vie mode d’emploi de Perec. Il s’agissait de la proposition #08 de ce cycle, et les contributions reçues sont en elles-mêmes un voyage, avec autant de dispositifs de narration que de participant·e·s.
Mais il y avait un a priori à cette proposition ; Perec, à la toute fin de La vie mode d’emploi, propose un «rappel de quelques-uns des histoires racontées dans cet ouvrage» (cf doc d’appui à télécharger). Si le livre compte 100 chapitres exactement (99 chapitres et un épilogue), il y dénombre au moins 105 de ces «histoires». Avec même une curiosité: s’il les rassemble de façon strictement alphabétique, la toute dernière aurait dû être classée… avant-dernière, chez Perec tout cela volontaire bien sûr. Cet a priori : toutes ces histoires ont un point commun, elles peuvent être reliées, du plus directement au plus indirectement, à l’immeuble luii-même.
C’est depuis cet a priori qu’on va revisiter de façon tout autre cette proposition :
1, c’est un fragment de carte qui va nous servir de point de départ… je cite en exemple, dans la vidéo, la ville de Kirkenes, en haut de la Norvège, tout au nord du cercle polaire, ou bien mon propre village natal. Mais ça peut être une cage d’escalier (si souvent utilisé au cinéma, depuis ses origines même, l’immeuble, la cour, l’escalier), et là on retrouve l’accumulation Perec. Ou tout autre dispositif : piétons traversant un carrefour, automobilistes sur une rocade, ou ce qui rassemble une foule indéterminée, dans un événement commun dans combien de romans (relu récemment la trilogie de Sartre, Chemins de la liberté, suivant une bonne quinzaine au moins de protagonistes récurrents dans la fausse et brève mobilisation de 1938).
Et c’est cela la rupture avec notre précédente tentative : on sélectionne d’abord la carte, ou l’événement, ou le point de traverse. Personnes attendant dans une gare ? Acceptez votre première intuition. Ou bien laissez venir cette intuition depuis ce qui est déjà votre théâtre narratif le plus personnel.
Ce qui compte : une liste de 105 histoires, chez Perec par ordre alphabétique, dont chacune, en une ligne et demie (mais là aussi se greffe l’approche personnelle, reprendre le contributions de la première traversée) est un inducteur d’imaginaire. «L’histoire», en tant que possible, en tant que préalable à elle-même. En tant que «l’histoire, telle qu’il n’y aurait plus qu’à l’écrire».
Oui mais, on les connaît, ces histoires ? Non, c’est le lieu ou l’événement déterminé qui les appelle, les suscite, et même les invente.
Votre boulot à vous : si c’est une histoire sensible, ou trop lié à l’univers personnel, il faudra s’en éloigner pour qu’elle n’appartienne plus qu’au lieu et non à vous. Si c’est une potentialité imaginaire, née du lieu, d’une maison, d’un visage anonyme, d’une tension, il faudra en dissimuler la nature imaginaire pour qu’elle apparaisse comme appartenant, au contraire, à la première catégorie…
Et l’affirmer : ce répertoire de Perec (non, ce n’est pas une liste, c’est un relevé) vise à construire de l’intérieur cet immeuble que jamais, à aucun moment, dans le livre, on ne verra de l’extérieur. C’est ce tout petit fragment de carte ou point de passage, ou échappée de temps, en un instant précis, que vous allez reconstruire, en accumulant les histoires dont vous savez qu’on peut les construire, voire même en témoignant, avec ces instances imaginaires qui vont s’écrire, sous la même forme, en se dissimulant parmi les premières.
Et début de notre voyage.
Le retour du Boost! Merci à toi François 🙂