# histoire #07| atmosphère

Elle voit le rouge de ce qui se reflète dans l’eau crispée des canaux, les rayures comme d’étincelantes lueurs qui seraient le signe d’un autre monde.

Elle voit sur l’éparpillement des dalles que frottent les pas depuis des centaines d’années toutes les âmes dissoutes qui ont arpenté les ruelles.

Elle voit dans les brumes bleutées qui épaississent l’atmosphère les lassitudes d’un monde qui peine à se régénérer.

Elle voit l’indifférence écrite sur les visages usés qui ont trop vu, sans avoir rien vu, des magnificences offertes aux regards.

Elle voit l’abandon de l’arbre dépouillé que maintient un tronc argenté qui supporte encore la compagnie de pigeons ou d’oiseaux sans noms qui se reposent.

Elle voit les verres vides sur les tables des cafés, les serveurs aussi fatigués que les algues mortes au fond d’une eau saumâtre.

Elle voit les éclats d’ombre près des briques rougies où ses doigts ne peuvent s’empêcher de caresser quelques écaillures.

Elle voit le haut du casque du Colleoni luisant au soleil du matin et perçant une réalité qui n’est que chimère.

Elle voit l’ombre bleutée des gondoles n’en finissant pas de caresser de leurs planches courbes une eau toujours plus sombre

Elle voit chaque marche des ponts qui sont empruntés et dont les soupirs de chaque âme qui monte puis redescend sont empreints de cette lassitude

Elle voit les cheminées si particulières de Venise lorsqu’elle cherche à contempler le ciel et à y découvrir les prémices d’un avenir

Elle voit des silhouettes qui progressent face à elle, mais elle ne voit pas les personnes qu’elle croise.

Elle voit ce que plus personne ne voit puisqu’elle n’est plus de ce monde.

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

Laisser un commentaire