#histoire #12| Hotels/Mémoire pour un seul

Je n’aime pas les hôtels de la mémoire, celle où les odeurs vous assaillent, où déjà le corps et le cœur se font barricade et pourtant il y a eu celui-ci.

Une rencontre éphémère, secrète, peu importe la porte, peu importe le lit, seule compte la fenêtre pour l’évasion. Un bruit de pas dans le couloir s’arrête devant la porte, est-ce bien ma porte ou celle de la chambre d’à côté, mon coeur bat, mes sens sont en alerte, la peur s’immisce dans toutes les fibres de mon être, je suis tétanisée et puis les pas s’enfuient… Plus rien.

Les tentures de velours ne sont plus rouges, la fenêtre est entrouverte, deux anneaux sont décrochés de la tringle, est-ce le courant d’air avec la porte ouverte sur le couloir. C’est un jour de grand vent, celui de l’océan qui roule les vagues en un drapé incessant aux couleurs turquoise. L’odeur de la marée, la criée des pêcheurs enchante le matin levant.

L’extérieur de l’hôtel est un peu kitsch, il ressemble à un gros gâteau d’anniversaire rose à quatre étages. Des rosiers encadrent la montée d’escalier. La chambre est agréable, aucun meuble superflu, deux tables de nuit fonctionnelles, dans un tiroir un livre, la bible. Le lavabo de la salle de bain privative est rectangulaire, sacrifiant le fonctionnel au design contemporain. Le tiroir sous le lavabo n’échappe pas aux projections d’eau. Il faut se mettre la tête au sol pour trouver le bouton marche/arrêt du sèche-serviettes.

Sur la banque à l’accueil est posée, une carte « Veuillez patienter, je reviens »  L’escalier qui monte aux chambres est moquetté de vert foncé, les fauteuils rustiques du salon attenant à l’accueil, sont garnis de coussins au tissu multicolore pour un air de gaieté. Le patron est revenu, il porte un béret basque. J’ai su plus tard qu’il s’appelait Douglas.

Dehors sur la terrasse, des petites tables en métal rose brillent de pluie, les chaises sont basculées sur les tables. Un chat se faufile, emprunte le labyrinthe dessiné par les pieds des tables et des chaises. Le silence est oppressant, les bruits provenant du port ont cessé, on dirait le temps arrêté, même la pluie a cessé.

Le patron est reparti. Sur le tableau où sont accrochées les clefs d’une vingtaine de chambres il en manque deux, la mienne bien sûr, mais l’autre ?

Les pas dans le couloir ont-ils une clef ? Et ce rendez-vous écrit sur le papier que je garde précieusement dans ma poche, qu’en est-il ? Je m’assois dans un fauteuil du petit salon, j’attends, j’entends des pas, encore des pas et je le vois dans l’encadrement de la porte. Mon rendez-vous est là, une rencontre éphémère, secrète.

Codicile

Un hôtel puzzle de plusieurs hôtels de ma mémoire, le kitch au bord du lac Baïkal, un autre à Vichy, et tant d’autres de mes voyages d’où un seul a jalli, cadeau à cette mini fiction.

A propos de Marie Moscardini

«Après une formation à Aleph en 2014, j'anime des ateliers d'écriture dans une petite ville de Saône et Loire.» Voir son site Nouvelles à écrire.

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